Le village semble désert. Comment peut-il en être autrement par ces grandes chaleurs. Nous roulons à petite vitesse, les sens en éveil, dans l’espoir d’apercevoir des Tamezretis. Voilà qu’au loin nous voyons une effervescence. Nous nous rapprochons. Il s’agit d’un café où des touristes se sont arrêtés pour se désaltérer. En plus de vouloir être au contact d Tamezretis, nous avions aussi besoin de nous rafraichir les gosiers. Nous entrons : « Azul fell-awen ! ». Et là c’est quasiment tous les attablés qui lèvent la tête, nous regardent et nous sourient. Nous nous attablons sans nous défaire de notre sourire. Nous abordons en kabyle un quinquagénaire. Nous avons compris qu’il avait compris qu’elle langue nous parlions mais il n’en saisissait pas le sen des mots. Nous aussi.
Erriad, un hymne au vivre ensemble.
… Rencontre terminée, nous quittons l’accueillante Guellala. Place au tourisme culturelle. Mais, avant d’aller faire du tourisme BCBG et pister les imazighophones dans le sud, nous nous sommes laissés embarquer par les chants de la grande bleue. Impossible de ne pas céder à son charme. Nous lui avons consacré ce qui restait de la journée. Plages cleans et accueillantes. Cela nous changeait tellement de nos plages burkini-frites-omelette que nous nous y sommes oubliés, jusqu’à une heure tardive. Arrivés à Houmet Souk et avant de longer en bons touristes débraillés et décontractés, une bonne partie du front de mer à la faveur de la « bouhriture » méditerranéenne, nous savourons des spécialités djerbies très épicées.

L’une des ruelles de la coquette ville « bleue blanche » Erriad.

L’entrée de la synagogue d’Erriad.
Le lendemain, après une grasse matinée digne des partisans du moindre effort et un petit déjeuner copieux, nous prenons la route qui mène à Erriad, une petite localité où, nous disait-on, le vivre ensemble dans la paix n’est pas un vœu pieux, où les différences se complètent et ne se contre-choquent jamais. Oui, nous l’avons vérifié : à Erriad la diversité paisible n’est pas une rumeur, shalom et salam s’assument, s’acceptent se respectent. A Erriad, soyez de confessions que vous voulez, l’important est de se soumettre à l’idéal de citoyenneté tacite auquel se plient les Erriadi(e)s d’une manière instinctive. Les Israélo-palestiniens gagneraient à s’en inspirer.
Les ruelles étroites de la coquette ville « bleue blanche » a, à peu près, la même configuration que la Casbah d’Alger. La comparaison s’arrête là. Blancheur, propreté et jasmin à vous filer des complexes au point de vous demander s’il ne faille pas se déchausser, avant d’y poser pieds. Et puis ces fresques d’une beauté à vous couper le souffle. Peints à même les murs, on y voit, entre autres, une vieille djerbie de confession juive concentrée sur la Torah, un texte de Mahmoud Derouiche, un clin d’œil à Ibn Khaldoun. Nous interrogeons un jeune à propos des signataires des fresques en question. Il nous explique que l’initiative est venue d’un groupe de jeunes artistes tunisiens qui, à travers leurs contributions artistiques, voulaient transmettre le message de paix. Ils y sont parvenus, ces fresques sont un véritable hymne au vivre ensemble.

Ruelle paisible et fleurie d’Erriad.
Après nous être rassasiés de la création des beautés formelles, nous nous somme rappelés que la fameuse synagogue de Lghriba est dans les alentours. Nous y serons un quart d’heure plus tard. Les lieux sont hyper sécurisés. Nous passons par un poste de sécurité pour y accéder. On y trouve de toutes les nationalités. Faut dire que la synagogue de Lghriba est connue dans le monde entier, on y vient en pèlerinage. Le guide nous explique à quoi servent les différents bâtiments (chambres pour accueillir les pèlerins, salle de restauration…), avant de nous diriger vers un grand hall donnant sur ce qui semblait être des salles de prière.
Au moment où nous nous apprêtons à y entrer, un autre guide au sourire grand comme ça nous invite, par respect à la sacralité du lieu de culte, à mettre la kipa, pour les hommes, et se couvrir la tête, pour les femmes. Nous nous exécutons, en pensant, sur fond de sourire, à la tête que ferait notre Chemseddine « cathodique ».
A l’intérieur, quelques hommes et femmes sont absorbés par la prière, une concentration qui ressemble à s’y méprendre au « xucuɛ » feint ou réel qu’affichent les musulmans alignés derrière l’imam. Nous ne nous éternisons pas dans le sacro-saint espace cultuel, d’autant que le soleil commence à s’incliner. Retour à Erriad où, nous dit-on, on fait les meilleures briks. Alors que nous cherchons des yeux un petit resto, une jeune fille devine l’objet de notre prospection, nous sourit de derrière une porte-fenêtre, et nous : « Bonjour monsieur, dame. Approchez. Nous préparons les plus succulentes briks ». Nous nous approchons, nous nous installons à une table ouverte aux quatre vents et, surtout, proche d’un mur débordant de jasmin.
Avant de commander les fameuses briks, nous demandons à la jeune fille, toujours souriante, de nous indiquer les sanitaires. Joignant le geste, au sourire et à la parole, elle nous dit : « Vous allez par là, ensuite vous tournez à gauche. En face, vous avez les sanitaires ». Nous suivons l’itinéraire indiqué. Nous tombons, par erreur dans les cuisines de la maison familiale. Une vielle dame forte qui semble être la grand-mère et à qui, on ne sait pourquoi, rappelle la « Mama » d’Aznavour. La vielle femme semble avoir compris l’objet de notre « intrusion » dans son intimité. Elle nous sourit, avant de nous d’ajouter: «Shalom, les sanitaires c’est par là. »
Matmatah, le désert enchanteur
Nous embarquons dans le bac. La traversée n’est pas aussi attrayante qu’elle ne l’était pour la première fois. D’abord la queue leu leu sous qui dure une bonne demi-heure sous le soleil toujours de plomb, Nous aurions aimé prendre la route carrossable, la route romaine comme l’appelle les Djerbis, mais elle est trop longue et il fait trop chaud. En plus, opter pour la traversée, et le snous économise le carburant.
Direction Matmatah. Le paysage est digne de donner vie aux synopsis des western-spaghetti. On s’enfonce dans le sud. Plus on avance, plus le fossé s’élargit entre la Tunisie côtière, utile, opulente et la Tunisie profonde. On est bluffé par le contraste. La voie, correcte, n’est pas tellement fréquentée. De temps à autre, nous croisons des bus clean et climatisés transportant les touristes. A intervalle réguliers, nous sommes interpellés par des pancartes nous invitons à visiter « la maison berbère ».
Nous arrivons, sous toujours le même soleil de plomb, à Matmatah al Qadima (ancienne). A peine avions-nous ralenti que voilà un jeune qui se pointe avec ses offres de services : « Star Wars, maison berbère ! »
«À Matmatah, on a perdu l’usage de la langue mais pas la conscience…»
Oui, Star Wars. George Lucas est passé par là, pour repérage, dans les années 70. Nous entamons notre périple de touristes disciplinés par la visite de la planète Star Wars. L’espace n’est pas aussi imposant qu’il le paraissait dans le film, pas plus de 400m2 . Pas grand-chose à voir, d’autant plus que ce qui servait de « chez soi » aux extraterrestres de la guerre des étoiles est transformé en restaurants approximatifs où l’on sert un couscous tout aussi approximatif.
Cap sur les choses sérieuses. Nous nous invitons dans une maison berbère : une grotte sculptée de sorte à en faire une maison. La maison en question est habitée. Nos hôtes nous offres du thé, de l’huile d’olive et de la galette. Nous entamons une discutions que nous commençons par « azul », histoire de provoquer une réaction amazighe. Rien. Notre guide nous explique qu’à Matmatah, on a perdu l’usage de la langue mais pas la conscience. Cette peau de chagrin linguistique, nous la constatons en Algérie, à Bordj Ménael, par exemple, localité situé à un jet de pierre de Tizi Ouzou.
Enfin des amazighophones
Un petit tour dans les chambres qui composent la maison berbère. Tout est authentique et atteste d’une appartenance à la famille amazighe. Avant de quitter Matmatah nous demandons à notre guide où parle-ton encore tamazight? « A Tamezret » nous répond-il. Nous prenons la route vers Tamezret, sans grand risque de nous perdre grâce aux panneaux de signalisations jonchant les routes.
Nous y sommes. Le village semble désert. Comment peut-il en être autrement par ces grandes chaleurs. Nous roulons à petite vitesse, les sens en éveil, dans l’espoir d’apercevoir des Tamezretis. Voilà qu’au loin nous voyons une effervescence. Nous nous rapprochons. Il s’agit d’un café où des touristes se sont arrêtés pour se désaltérer. En plus de vouloir être au contact de Tamezretis, nous avions aussi besoin de nous rafraichir les gosiers.
Nous entrons : « Azul fell-awen ! ». Et là c’est quasiment tous les attablés qui lèvent la tête, nous regardent et nous sourient. Nous nous attablons sans nous défaire de notre sourire.
Nous abordons en kabyle un quinquagénaire. Nous avons compris qu’il avait compris qu’elle langue nous parlions mais il n’en saisissait pas le sens des mots. Nous aussi. Il nous montre une affiche accrochée au mur et illustrant des animaux avec leurs noms en tifinagh. Et c’est à ce moment que nous avons trouvé un terrain d’entente. Hormis quelques sonorités qui différent, nous donnons les mêmes noms aux animaux qu’il nous montre du doigt.
Nous continuons notre discussion en arabe. Là aussi l’intercompréhension n’est pas évidente : chacun y va de son arabe. Nous voulions savoir, par exemple, si l’enseignement de tamazight est pris en charge par une association. Oui, nous affirme notre interlocuteur, avant de souligner que ce n’est plus le cas ces derniers temps.
Mogdi, le racé

Mogdi Bouras, notre architecte dans son musée berbère.
Pour en savoir plus, il nous conseille d’aller voir au musée, Mogdi Bouras, un militant déterminé à promouvoir tamazight. Nous ne nous faisons pas prier. Nous suivons le chemin que notre interlocuteur nous a indiqué. Mogdi Bouras est un personnage haut en couleur. Il respire la passion pour Tamazgha. Architecte de formation, il laisse tomber ses premières amours, pour se consacrer à l’amour de sa vie : tamazight. Il transforme sa maison en musée où est illustrée de manière magnifique l’histoire de la Tunisie amazighe. On ne se lasse pas à écouter Mogdi parler de sa tamazight retrouvée, éveillée. Il a réponse à tout et, surtout, il a l’art de vous faire aimer… Imazighen. Il nous parle de son village où est implanté son musée.
Du pourquoi de l’architecture qui caractérise qui caractérise Tamzert, son village. Nous retrouvons le même patronyme en kabylie, avec une légère, différence de sonorité : « Tamzerit ». Après explication est vue l’altitude surélevée du village, nous déduisons que Tamzert pourrait avoir le sens de guérite, d’autant que Tamzert, le mot, est construit sur la racine « zr », voir.
Nous saluons notre ami Mogdi pour sa disponibilité, sa gentillesse, sa passion et son accueil, avant d’aller rejoindre la voiture est reprendre la route vers Jorf.
Ulysse FM, le bol d’oxygène

Notre passage chez Ulysse FM avec notre ami journaliste Salah Benmahmoud.
L’avant-dernier jour de notre séjour à Djerba, nous avons été les hôtes de Ulysse FM, une radio privée ouverte sur le monde en général, et sur la méditerranée tout particulièrement. Ulysse FM passe du français, à l’italien, à l’arabe tunisien, au djerbi, variante amazighe, sans aucun complexe. Les contenus toniques, jeunes et d’actualité ratissent large. Ulysse FM blatérer ne blatère pas de la démagogie dans une langue que personne ne comprend. Elle est à l’écoute de sa société et le rend…bien. On est loin de nos radios qui bégayent et bottent en touche.
Notre ami, journaliste, Salah Benmahmoud nous a invité à son émission « Tutti frutti afus g fus ». Avant d’entrer dans le studio, l’ami Salah nous fait faire le tour de la radio et nous présente le personnel, un personnel jeune débordant d’énergie et d’intelligence.
Le journaliste-animateur voulait nous entretenir à propos de la situation de tamazight en Algérie. Il focalise sur l’enseignement et la presse (écrite et audiovisuelle). Nous lui rendons compte de la situation quantitative. Le journaliste était agréablement surpris d’apprendre que tamazight est enseignée depuis le primaire, en passant par le moyen et le secondaire, jusqu’à l’université. Le quantitatif audiovisuelle l’a aussi agréablement surpris. Quant au qualitatif…. nous n’avions pas eu le temps de l’aborder.
C’était le dernier jour dans l’Ile des rêves.
QUELQUES IMAGES DE LA BELLE TUNISIE AMAZIGHE…. DANS LE SUD.