Avec son foulard rouge porté à la John  Wayne  et son appareil photo en bandoulière, prêt à capter,  immortaliser et célébrer la beauté de Tamazgha, le bonhomme ne passe pas inaperçu. Son visage de racé est « ADNeté » par son aïeul Numide Imedghassen. Il a un sourire à la place d’une bouche, un sourire accueillant qui vous met tout de suite à l’aise et vous invite sans cérémonial au partage du beau.  Il résiste au déni et à la bêtise. Il n’est pas que debout : il est  en mouvement. « Il »  c’est Rachid Hamatou.

Il met toute sa sensibilité d’artiste et son engagement de militant  pour raconter ses Aurès.

Il en sortira « Raconte-moi le Aurès », ouvrage édité par le Haut Commissariat  à l’Amazighité.

Voilà ce que Rachid Hamatou inspire à son amie journaliste Sarah Kharfi :

« Une rencontre peut tout changer. Une poignée de main, un bref échange et une histoire qui commence…

La première fois que j’ai rencontré Rachid Hamatou, c’était dans le bureau de mon ex-patron. Il venait d’être pris en tant que correspondant de «Liberté» à Batna.

Rachid était convaincu qu’il me connaissait déjà ! Quelques temps après, lorsque nous avons commencé à travailler ensemble, il m’a raconté les circonstances de notre véritable première rencontre. Et j’ai enfin compris ce qu’il voulait dire.

Je garde cette bonne petite histoire entre lui et moi, parce que je crois qu’elle n’est pas très glorieuse pour moi…et pour mon interlocuteur, mais je suis sûre que l’évocation de cette anecdote le fera sourire, avec indulgence surement. Rachid est indulgent envers les autres et c’est doute pour ça qu’il continue à se passionner pour la vie et à persévérer en exerçant un métier difficile : le journalisme. Oui ! Ecrire au quotidien use, et impose une certaine discipline, une rigueur et une remise en question quotidienne. Mais notre ami semble le vivre très bien, lui qui se présente (et on peut le lire sur sa carte de visite) comme un «Chasseur d’images» mais également comme un «correspondant de province». Il a suffisamment de distance pour ne prendre à cœur que les choses qui l’intéressent vraiment se délestant ainsi du futile et de l’insignifiant.

Né le 5 avril 1960 à Tahememt (El Madher), à quelques encablures du tombeau Numide Imedghassen –qu’il ne cesse de défendre et de célébrer à travers des articles de qualité et de sublimes photographiques, qui nous signalent (hélas !) l’état de dégradation de ce témoin de notre passé–, Rachid Hamatou quitte son village natal, pour les lumières de la grande ville, Batna.

Ce départ, ce contact avec la ville est une chance, bien évidemment, pour le jeune Rachid mais le parfum des mauves, l’ombre des oliviers, l’eau qui coule des séguias, les mille et un nids de cigognes, resteront un souvenir indélébile. Des souvenirs épars, ancrés dans la mémoire de l’enfant Rachid, qui fréquente dans le Batna des années 1960/70 le quartier du Stand et la cité Chikhi. Mais rien ne vaut Tahememt pour le petit Rachid attaché à ses origines.

Comme dans toutes les bonnes histoires, il y a les périodes de vide, les déchirures et les difficultés mais il y aussi les bonnes personnes qu’on croise parfois et qui nous aident à trouver un sens à nos vies. C’est au lycée technique El-Bachir El-Ibrahimi que Rachid l’adolescent rencontre une jeune enseignante (coopérant française) et photographe avertie. Cette femme, qui savait ce que signifiait réellement transmettre un savoir, trouvait des images dans les écrits de Rachid : Il s’agit souvent d’une certaine forme de nostalgie par rapport à un lieu quitté sans l’avoir voulu. Tahememt encore et toujours! L’enseignante offre à son élève son premier appareil photographique –un Ricoh KR10– et lui fait découvrir les Aurès. C’est le premier contact de Rachid avec la photographie. Et notre Rachid ne s’en remettra jamais. Rachid Hamatou ne délaissera jamais la photographie. Il travaillera dans plusieurs domaines, sans jamais renoncer à son GRAND amour, la photo. Après avoir occupé le poste de fonctionnaire à la maison de la Culture de Batna, Rachid Hamatou enseignera la langue française mais aussi la photographie à l’École des Beaux-arts de Batna. Après avoir été photographe de presse à l’hebdomadaire «El Aurès», il a été correspondant photographe pour les quotidiens «El Watan» et «Le Matin».

 Il officie à «Liberté», jusqu’au dernier numéro.

Dans ce dernier quotidien, Rachid s’est distinguée par la qualité de son travail. Il fait découvrir toute la richesse de la culture Chaoui, à travers des écrits de qualité, bien documentés. Il nous fait découvrir également l’Aurès à travers des personnages singuliers ; des Auressiens qui conjuguent leur terre au présent, tournés vers la modernité et grands défenseurs pour la tradition. Mais la grande force de Rachid est sa manière de cultiver l’inattendu, l’improbable et de nous faire voyager dans une culture millénaire, si riche et si méconnue à la fois. Il accompagne toujours ses écrits par de sublimes photographies.

Rachid Tighilt avec son foulard rouge à la John  Wayne.

Rachid a participé à plusieurs expositions, et ce, depuis les années 1980. D’ailleurs, sa première exposition remonte à l’année 1980, à Tizi Ouzou, dans le cadre d’échanges interwilayas (Djurdjura/Aurès). Il exposera plusieurs fois en France (à Marseille, son exposition s’intitulait «Mon Pays», et à Barcelone, elle a porté sur les Aurès), où il séjournera durant 4 ans. Rachid Hamatou trouve en les Aurès une source intarissable de couleurs, de textures, et d’inspiration. Un musée à ciel ouvert où une mémoire s’exprime et éclate.

Dans, «Raconte-moi les Aurès», ce livre qu’il consacre à son autre amour qui se dispute toujours la tête du classement de son cœur avec la photographie –la deuxième ou la troisième, parce que la première place est occupée par son fils, Youba, auquel il dédie cet ouvrage–, Rachid donne la parole aux Auressiens, par appartenance ou par amour, pour qu’ils nous transmettent cet Aurès à leur manière.

Architectures, tatouages, tapis, vestiges…un mode de vie, une histoire…un amourqui se vit au quotidien. Je suis certaine, enfin, que Rachid ne m’en voudra pas d’évoquer ici sa générosité qui me bouleverse, sa douce révolte qui m’inspire et son sens du partage et de l’amitié qui me donnent la force de continuer à rêver et à espérer. Je suis fière de l’avoir comme ami ; un ami sur lequel on peut toujours compter, lui qui donne toujours sans compter. Je suis très contente que son projet de livre aboutisse, et je m’incline devant son humilité, sa noblesse et sa belle d’âme. J’attends toutefois un autre livre, cette fois-ci sur ses goûts musicaux éclectiques qui vont de Aïssa El Djarmouni à Renaud, en passant par Fayrouz. Une autre histoire à partager avec nous cher Rachid !