Notre collaboratrice et enseignante de tamazight Tilelli Bellal publie cette semaine son premier roman sous le titre Tezgertirga, chez Imtidad à Alger. Ce roman de plus de 170 pages met en exergue la situation de la femme dans notre société du 21ème siècle.
Une société victime de sa propre ignorance et rectitude. Et la femme infuse, dans ce chaos enchanteur qui remonte à des lustres, le changement et les libertés qui tardent à venir. Comme le sempiternel conflit d’une mère et sa fille qui s’entre-déchirent avec amour et résilience. Un spectacle auquel assiste l’homme, mais comme un maître qui ne détient pas, lui aussi, son destin. Un monde en effervescence, sans vergogne et aux valeurs en déperdition, c’est ce que le roman que, en arrière-plan, dresse comme tableau et vérité.
Dans un style fluide mais rigoureux, Tezgertirga se veut non pas un décor supplémentaire ornant la destinée de la femme kabyle, mais un cri de détresse pour le changement dans (de) cette société où les hommes sont «aux gouvernes». Ce récit retrace depuis une cellule familiale anodine, le parcours d’une fille prénommée par ses parents Tezgertirga.
Toute petite, elle était le joyau que, sans que le texte ne le souligne, tous chérirent en grandissant. ce nom, au sens de «celle aux rêves exaucés», la prédestinait à rechercher son chemin, sa voie, et élever sa voix grâce à l’instruction… ce qui a déplu énormément à sa famille, et que les autres traitaient discrètement de «féministe»…
Tezgertirga a vécu la joie et le malheur, a rencontré le courage et la lâcheté des hommes,. Elle voulait prendre le grand chemin, elle s’est retrouvée à parcourir un sentier vers une destination qui ressemblait à l’exil dans lequel vivaient les siens.
Le récit, à découvrir, ne tourne pas uniquement autour de son personnage principal; d’autres figures, d’autres vies, d’autres regards, sont dépeints à travers des mots simples, puisés de la langue de tous les jours, sans verser avec exagération dans les nouveaux mots, mais juste quand cela s’avère nécessaire.
Ce roman, rédigé avec spontanéïté, l’autrice, selon ses propres dires, refusait de reconnaître qu’il s’inspirit de son histoire personnelle. « Les mots venaient seuls, comme ils savent les personnages, les contours et dédales qui composent la narration avant moi»,
Elle-même encore sous l’émerveillement de ce premier projet de récit qu’elle avait entamé en 2020, qui attendait pour paraître une préface qui n’arriva jamais, elle le publie enfin sans celle-ci. Sans aller jusqu’à leur raconter l’histoire, les lectrices et lecteurs auront le loisir de découvrir une nouvelle plume de notre littérature, celle de la jeune fille connue en Kabylie sous le pseudo de « l’enseignante des Chinois » parce que, deux ans durant (2020/21), elle donnait des cours de tamazight en ligne pour quelques étudiants de l’université chinoise Hebei. Pourquoi pas une traduction de Tezgertirga en mandarin par ses «étudiant-e-s»?
Nacer Mouterfi