Par Docteure BERDOUS Nadia 

La Kabylie a toujours été une terre rebelle et réfractaire aux différents pouvoirs qu’a connus l’Algérie. Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer cette rébellion. Salem Chaker affirme dans son ouvrage Imazighen ass-a(1) que « le facteur décisif dans la formation de la conscience nationale kabyle est l’appartenance à une communauté fortement spécifiée. L’essence de cette conscience est bien de nature culturelle »(2). Lacoste Dujardin, dans un article intitulé « Géographie culturelle et géopolitique en Kabylie, La révolte de la jeunesse kabyle pour une Algérie démocratique »(3), a aussi présenté plusieurs explications à cette singularité régionale. Pour notre part nous estimons que la poésie et, par conséquent, la chanson a joué un rôle indéniable dans cette révolte constante et dans cette prise de conscience identitaire. Parce que, la chanson, ce beau mélange entre la musique et la poésie, est un instrument efficace d’expression et de médiation de plus en plus accessible qui touche le large public, notamment avec l’apparition des supports modernes (disque, cassette).

Exclue des sphères officielles et interdites dans les écoles, les médias, les espaces culturels, stigmatisée, pourchassée par les pouvoirs publics, la culture et la langue amazighes n’ont trouvé de refuge que dans la chanson qui est accessible à toutes les couches sociales lettrées ou pas. En effet, La chanson kabyle a permis de rendre cette langue et cette culture visibles et audibles auprès des populations qui sont aussi exclues de tous les espaces culturels qui n’étaient servis que dans la langue nationale et officielle, étrangère à ces populations. La chanson devient ainsi la voix de tout un peuple à qui on a refusé le droit de parler, d’étudier, d’écrire, de lire…dans sa langue maternelle.

Ferhat Mhenni, Lounis Ait-Menguellet, Matoub Lounes, Idir, … pour ne citer que ceux-là,  ont réussi à s’imposer comme chanteurs engagés pour la reconnaissance de la culture et de la langue amazighes. Ces chanteurs ont contribué, à travers leurs chansons, vers les années 70/80 à l’éveil identitaire en Kabylie.  Une enquête (4) conduite par Perret Cécile et Gagnon Christiane auprès de militants berbéristes montre que ces chanteurs représentent la chanson engagée pour la reconnaissance de l’identité et de la langue amazighes. Les auteurs soulignent: «  Matoub incarne la révolte et le sacrifice (« un rebelle », « il a sacrifié sa vie pour la Kabylie », « il a défendu avec son sang la Kabylie », « c’est l’esprit même de la Kabylie (par sa lutte et son attachement à la région) », « il représente  la lutte berbère », « son combat et sa vie se confondent »,…), Ferhat son  combat politique actuel  (« sa lutte pour l’indépendance », « son combat pour  la liberté et la kabylité », « c’est lui le grand maquisard de la chanson kabyle» …) » [5].Les chanteurs cités ci-dessus peuvent être considérés comme les porte-paroles de la chanson kabyle, mais d’autres chanteurs et groupes, comme Slimane Azem, Malika Doumrane, Cherif Kheddam, Nouara, Inasliyen, Igudar, Ideflawen, Djurdjura… ont participé, à travers leurs chansons à ce combat identitaire et à cette prise de conscience en Kabylie, comme le dit  Chaker : « la chanson moderne kabyle a joué un rôle essentiel dans la consolidation de la conscience identitaire en Kabylie. Elle a puissamment contribué à donner une base populaire à ce qui était engagement et action de groupes restreints d’intellectuels. »[6]

1-         La chanson kabyle engagée et sa thématique

L’exclusion officielle de la dimension amazighe des sphères officielles a permis à celle-ci d’acquérir une autonomie par rapport à l’idéologie officielle et la culture dominante. Plusieurs thématiques reviennent de manière récurrente dans la chanson kabyle : la critique du pouvoir, la démocratie, la laïcité, les droits de la femme mais surtout l’identité amazighe.

Tableau n°1 : quelques titres de chansons 

Chanteurs/ titres Titre Traduction en français
  • Ferhat
  • Berzidan
  • Tamaziɣt
  • Tamurt n yImaziɣen
  • Le Président
  • Langue tamazight
  • La Kabylie
  • Ait-Mengellat
  • Amjahed
  • Aεettar
  • Ad ken-yexdeε Ṛebbi…
  • A mmi
  • Le maquisard
  • Le mendiant
  • Que Dieu vous punisse
  • Comme ça tu vas devenir chef mon fils
  • Idir
  • Baba inu Ba
  • Tiɣri n ugdud
  • Muqlɣ  tamurt  n Umazig
  • Baba Inouva
  • L’appel du peuple
  • Regard sur le pays d’Amazigh
  • Matoub
  • Yeḥzen Lwad Aεisi
  • Ameḥbus-iw
  • Oued Aïssi en deuil
  • Le prisonnier
  • Groupe Ideflawen
  • Gğet-aɣ abrid ad nεeddi,…?
  • Laissez-nous passer, de quoi vous avez peur ?

 

Les chansons citées sont prises à titre d’exemples et le choix est discutable, les répertoires de ces grands chanteurs est riche et varié, tous les thèmes sont abordés notamment, comme nous l’avons souligné, l’identité amazighe et la critique du pouvoir en place

La chanson Tamurt n yImazigen (La Kabylie) de Ferhat décrit cette Kabylie belle avec ses montagnes, ses richesses…, il revient sur les évènements 80 dit Tafsut n Imazigen (Printemps berbère) qui sont pour lui un repère important, une naissance  Nlul-d di tefsut  et une réponse à cet appel des Amazig : « Yis-s i d-nerra ssut i tigri n yImazigen.. »

Dans une autre chanson intitulée Anfet-iyi ad cnug  (Laissez-moi chanter) :
Akit awidek iṭṭsen (Réveillez-vous, ô vous qui dormez!).
Idles-nneɣ la irekku (Notre culture tombe en ruine).
Ferhat lance un appel solennel : « Réveillez-vous, notre culture tombe en ruine« .

Dans une autre chanson avec Ali Ideflawen (du groupe Ideflawen) Gğet-aɣ abrid ad nεeddi, d acu i tugadem ? (Laissez-nous passer, de quoi vous avez peur ?), les chanteurs critiquent la répression à l’égard des militants de la cause amazighe et ils expliquent que la culture, le savoir… sont leurs seuls armes, des armes qui font peur à ce pouvoir qui n’a que les balles pour faire face à cet éveil identitaire et prise de conscience des populations par rapport à leur situation.

La chanson Baba Inuba, dont le texte est composé Ben Mohamed et chanté par Idir fera le tour de la planète et apportera au monde entier le message de la renaissance de l’une des plus vieilles cultures de la mer Méditerranée. De même, la chanson Muqleɣ tamurt umaziɣ (Le regard sur le pays berbère)Tiɣri n ugdud (La voix du peuple) … du même chanteur, sont des chansons qui retracent l’histoire glorieuse des Amazighes et leur soif de la liberté et de la dignité, des thématiques qui contredisent la thèse officielle l’Algérie est une terre arabe et l’arabe est la langue des Algériens…

Lounis Aït-Menguellet avec son répertoire riche et varié est considéré comme le sage, le philosophe de la chanson kabyle. Ces chansons incitent à la réflexion…, Ṭṭes, ṭṭes mazal lḥal, Aqbayli, Askuti, Amjahed, …sont des chansons qui décrivent le désenchantement général par rapport aux espoirs nourris par l’indépendance de l’Algérie. Serments trahis, veuves oubliées et idéaux de justices partis en fumée. Dans la chanson « l’Assemblée = Tajmeεt », les allégories de la peur, la vérité, le mensonge, l’injustice… évoquent le dépérissement de la situation algérienne et surtout la corruption d’un système clairement mis en évidence.

Matoub Lounès ou le « rebelle » comme on l’appelle est allé encore plus loin dans son engagement.  Il a joint l’action à la parole (sa chanson), il a été aussi sur le terrain pour revendiquer, dénoncer… Matoub Lounès est assassiné pour ces idées qui prônaient l’identité berbère du peuple algérien, la laïcité, le modernisme et la tolérance. Le chanteur le plus vénéré des jeunes kabyles est l’auteur des centaines de chansons dont « Idurar ay d lεemer-iw  (Les montagnes ma vie ), Monsieur le Président », Tabrat i lḥukam (Lettres aux gouverneurs) Yehzen Lwad Aεisi (Oued Aissi en deuil), Ay ameḥbus-iw  ( Le prisonnier)…Ces deux chansons  Yehzen Lwad Aεisi et Ay ameḥbus-iw  étaient dédiées aux détenus du printemps berbère (avril I980), un évènement phare dans la revendication identitaire en Kabylie, d’ailleurs, Yehzen Lwad Aεisi est devenue un hymne pour la jeunesse kabyle assoiffée de liberté, attachée à sa langue, culture et démocratie.…

Cette chanson kabyle contestataire a été le porte-parole des questions tabous de l’Algérie officielle des années 70/80/90 comme (la question identitaire amazighe, la démocratie, la liberté de la femme…) et a permis à des générations d’évoluer dans une culture autonome par rapport à l’idéologie officielle : « …la culture kabyle/amazighe véhicule une tradition de résistance et de dissidence très ancienne. Dans la période contemporaine, cette donnée fondamentale n’a fait que s’accentuer : chanter, parler en public, écrire en kabyle/tamazight était en soi un engagement… Depuis l’indépendance, la culture amazighe/kabyle et l’enseignement de la langue amazighe (kabyle), constituent des espaces de liberté conquis, des refuges et un support pour la pensée non conformiste ou dissidente. »[7].

Cette chanson kabyle qui était le refuge et un support pour la pensée non conformiste est-elle présente dans l’enseignement officiel de tamazight ?

2- L’enseignement de tamazight et la chanson kabyle

L’enseignement de la langue amazighe (kabyle) a connu trois expériences différentes : l’expérience de la période coloniale, celle de la période post-coloniale et l’enseignement officiel.  Chaque expérience s’est distinguée par ces objectifs, ces méthodes d’enseignements

L’enseignement du kabyle de la période coloniale s’est appuyé sur des textes diversifiés, puisés dans la littérature orale. D’autres textes étaient des productions personnelles comme dans les manuels de Boulifa. Par contre, les textes choisis pour la deuxième période sont puisés dans la littérature écrite moderne (le roman, la nouvelle, les traductions-adaptations d’œuvres littéraires internationales ou maghrébines comme celle de Brecht, de Molière, de Beckett, de Gide, de Kateb, de Feraoun. De même, pour la troisième période, Les textes choisis pour l’enseignement, les trois cycles confondus, sont puisés, souvent, dans la littérature écrite.

Dans le Référentiel publié par la CNP (Commission Nationale des programmes) pour l’enseignement du primaire, il a été souligné : « L’école a pour but de transmettre les valeurs républicaines et démocratiques (…), les valeurs identitaires, les valeurs sociales (…), les valeurs universelles. (…)[8]. L’objectif de transmission de valeurs identitaire est très important dans la construction de la conscience identitaire des élèves, notamment pour le primaire, quand on est-il de tamazight ?  La chanson kabyle et surtout celle des années 70/80, porte- parole de cette revendication identitaire, est- elle présente dans les manuels de l’enseignement du kabyle au primaire ?

2-1- La chanson dans les manuels du primaire.

Ces questions nous mettent au cœur de la transposition didactique, une théorie définie par Chevallard comme « processus par lequel un élément du savoir savant devient une connaissance à enseigner puis un objet d’enseignement »[9], cette définition est élargie par Perrenoud pour inclure aussi « … des pratiques sociales. »[10]  qui  peuvent devenir aussi des objets enseignables. Dans le cadre de cette théorie, la chanson, cet objet social et culturel, devient un objet enseignable, par excellence notamment pour les premiers cycles, elle facilite l’apprentissage et la mémorisation. La chanson est aussi un outil d’apprentissage intéressant des langues minorées, elle véhicule, la culture, l’histoire…qui est souvent, comme nous l’avons souligné, une arme de lutte pour l’existence et un porte-parole des questions tabous souvent exclues par des idéologies dominantes.

Le manuel de la 4èmeAP 2019.

Le manuel de la 4ème année primaire en 2019 est réparti sur quatre petits projets et onze séquences. Les textes- supports sont courts, sauf pour certains contes, avec beaucoup d’illustrations.  Les poèmes proposés pour accompagner les séquences sont en relation, dans leur majorité, avec la thématique des textes- supports proposés pour la lecture et en relation avec l’âge des enfants, sauf pour les chansons Tazzla n wussan  et Amnafeq, respectivement de  Ali Amran et de Yidir que nous jugeons un peu au-dessus des préoccupations  des petits élèves de 8 et 9 ans. Toutefois les belles mélodies de ces chansons permettront peut-être de faire oublier la complexité de leur thématique

Tableau 2 : Les chansons du manuel 4ème AP 2019

Séquences Poèmes Auteurs chanté
1 Faḍma n Ssumer Mezyan Racid +
2 Ass amezwaru mi ɣriɣ
(Mon premier jour d’école.)
Σmer Mezdad +
3 Amnafeq (Le traitre) Yidir +
4 A yennayer (Nouvel an amazigh) Sans auteur +
5 Zwi-tt, rwi-tt (Belle danse…) Yidir +
6 Tazzla n wussan (Le cours des jours) Σli Σemran +
7 Targit d laẓ  ( Le rêve et la faim) Crif Xeddam +
8 Tafsut (Printemps) Meksa +
9 Afrux-nni-inu (Ce petit oiseau, à moi) Mucat +
10 Iḍ di ccetwa (Nuits d’hiver) Kaloun +

 

Les chansons sont proposées avec une consigne générale (j’écoute et je chante). Les élèves doivent écouter la musique et chanter ces chansons et ne pas se limiter à la lecture de cette poésie belle certes, mais qui ne peut, peut-être pas, trop intéresser les enfants de cet âge. Toutefois, cette séance de poésie n’est pas seulement une séance de détente mais aussi une séance de consolidation des connaissances en grammaire mais surtout en écriture. En effet, plusieurs questions accompagnent ces chansons pour vérifier tantôt la compréhension du texte, tantôt l’acquisition de certaines compétences travaillées durant les autres activités comme l’activité d’écriture et de la compréhension orale.

Les chansons proposées dans le manuel sont d’auteurs connus comme Yidir, Crif Xeddam qui sont de l’ancienne génération et d’autres comme Kalun et Mucat…qui sont relativement jeunes.

Le manuel de la 5ème année primaire de l’année scolaire 2018 est aussi partagé sur trois projets et chaque projet est subdivisé en trois ou deux séquences. Et chaque séquence est accompagnée de poème comme pour le manuel de la 4ème année.

Tableau 3 : Manuel 5ème AP 2018

Séquences Poèmes Auteurs Chanté Pas chanté
1 Tinna akken yesnuzun Isgaren Mucat + /
2 Agerfiw d ubareg Smaεil Bellac  
3 Aman n Tala Σli Mucat + /
4 Tamurt n Umaziɣ Ben Muḥamed + Yidir /
5 Adrar-iw Lexḍer Sennan + /
6 Newwi-d tafat s wudem Bessaoud M. Arab + Takfarinas /
7 Lukan i ixeddem umdan Crif Xeddam
  • +
/

 

Dans ce manuel aussi la consigne Tura ad cnug (Maintenant, je chante), accompagne les poèmes, comme dans le manuel de la 4ème année primaire. Cette activité ludique permettrait de consolider, comme nous l’avons souligné les acquis des autres activités.

Les poèmes aussi sont d’auteurs connus dans le mouvement de la revendication, notamment Bessaeud Muḥand Aεrab[11], Crif Xeddam…

Tableau 4 : Manuel 5ème AP /2019

Séquences Poèmes Auteur chanté Pas chanté
1-Projet

 

  • Ddunit tedda d wi bedden
  • Slimane Azem
+ /
  • Sig tafa ad waliɣ
  • Yidir
+ /
2-  Projet
  • Urawen n yennayer
  • Tawes u Ciban
/ +
  • A mmi-s n umaziɣ
  • Ayt Menguellat
+ /
3- Projet

 

  • Adrar-iw
  • Lexdar Sennan
+ /
  • Massinissa
  • Meksa
+ /
4- Projet

 

  • Tigri n twennaḍt
  • Zayen
+ /
  • Tiniri
  • Lengay Σayca
/ +

 

Le manuel de la 5ème année primaire de 2019 est un peu différent du manuel de la 5ème AP de 2018. On dénombre quatre projets, avec deux séquences et deux poèmes ou chanson pour chaque projet.  Les poèmes proposés à la fin de chaque projet sont accompagnés de questions. Pour la chanson de Aït-Menguellat par exemple A mmi-s n Umaziɣ (Le fils d’Amazigh )  quatre questions accompagnent le texte, trois d’entre elles abordent les éléments linguistiques, une seule question seulement porte sur « de quoi parle le texte ? », avec trois propositions de réponse ‘les vieux, les femmes… »  Aucune question sur le thème l’auteur du texte, son parcours, son répertoire…

Le texte de Yidir Siɣ  tafat ad waliɣ  (Allumez la lumière pour voir), revient sur la thématique de la peur chez les petits enfants et leur imagination qui s’active avec la narration des contes. Les peurs qui les obligeaient à allumer toute la nuit pour l’éteindre le matin parce que, ce dont ils avaient peur disparaitrait avec la lumière du jour. Cinq questions accompagnent ce texte, elles portent sur le thème comme « de quoi avaient peur les petits enfants ? Qui racontaient les contes… ».

Un autre poème de Meksa, très intéressant intitulé   Massinissa, un roi berbère, un ancêtre des peuples amazighs contemporains. Ce poème est accompagné de quatre questions et deux à trois réponses proposées par les concepteurs du manuel. L’élève est orienté dans ces réponses, il doit choisir sa réponse parmi celles proposées !

Des textes d’autres variantes (targui, chaoui, mozabite…) sont proposés pour la lecture, une autre nouveauté dans ce manuel par rapport aux précédents. Un poème dans la variante targui y figure dans l’activité (tura ad sleɣ, syin ad cnuɣ), l’activité de consolidation et de détente.  Comme les autres poèmes, des questions, dans la variante targuie, accompagnent le texte pour faciliter, orienter la lecture, mais, avec aussi des réponses au choix qui sont proposées par les concepteurs du manuel.

Au-delà des références à l’histoire et la culture amazighe, les concepteurs du manuel ont aussi proposé une chanson qui traite de l’environnement, un thème nouveau qui est en relation avec la vie quotidienne des élèves. Sensibiliser les élèves à la protection de l’environnement à travers la chanson kabyle est très intéressant parce que :

  • Le kabyle permettra une meilleure sensibilisation puisque le message est transmis dans la langue maternelle des élèves.
  • Enseigner en kabyle de telles thématiques modernes peut contribuer à changer les attitudes vis-à-vis du kabyle. Souvent définie langue orale, vernaculaire, confinée dans les thématiques traditionnelles ou revendicatives, et devenir, à travers l’école  et ce genre de support une langue  véhicule  aussi la modernité.

Conclusion :

Après la lecture des manuels nous avons remarqué que la chanson kabyle des années80/70 et même contemporaine est présente dans les manuels d la 4ème AP et la 5ème AP. Les grandes figures de cette chanson aussi sont présentes comme Aït Menguellat, Yidir…

Toutefois il faudrait souligner que le fait de proposer cette chanson à la fin des séquences et comme activité ludique, peut ne pas intéresser les enseignants qui proposeraient à la place des activités plus « sérieuses » et plus « importantes » pour les élèves comme la lecture, l’écriture, pour gagner du temps et avancer dans le programme.

Les chansons proposées sont certes des chansons qui véhiculent le passé, le présent, l’histoire, la culture… des élèves,  elles sont aussi des chansons qui font écho à l’histoire douloureuse de cette langue,  une histoire d’exclusion et de stigmatisation, mais l’angle proposé  pour l’étude de cette chanson ne permet pas de bien approfondir les questions les plus importantes qui peuvent aider les élèves à comprendre pourquoi tamazight est ce qu’elle est aujourd’hui à l’école algérienne et pourquoi elle occupe cette place au bas de l’échelle.

Écouter les chansons proposées dans les manuels, les chanter, les apprendre par cœur aiderait les élèves à enrichir leur vocabulaire, à comprendre le long combat auquel cette chanson a contribué pour que tamazight soit à l’école. Toutefois, il faudrait vraiment vérifier si on permet aux élèves d’écouter en classe ces chansons ou si on se limite seulement à la lecture du texte et à le réciter dans le meilleur des cas ? Comme nous l’avons souligné au début, la chanson est une combinaison de texte et de mélodie et l’un sans l’autre ne donnerait pas le même résultat notamment en classe, avec les élèves de 8/10ans.

Pour finir, il est très important de reconsidérer l’importance de la tradition orale dans les différents processus de l’élaboration didactique des langues minorés et permettre à la didactique d’assurer une continuité culturelle comme le souligne Di Meglio dans son article intitulé « Didactique des langues minoritaires et enjeux de légitimation » 12.  

 ——————–

[1] CHAKER, S. Imazighen ass-a, Éditions Bouchène, Alger, 1990, PP.53-60
[2] – Ibid., P. 55
[3] DUJARDIN L, « Géographie culturelle et géopolitique en Kabylie, La révolte de la jeunesse kabyle pour une Algérie démocratique », consulté le 23/09/2019 sur  www.socialgerie.net
[4] – PERRET, C., et GAGNON, C., « Identité et territoire en Kabylie : une variable du développement territorial viable », consulté le 17/09/2019 sur le site  www.uqac.ca,

[5] – PERRET, C., et GAGNON, C., « Identité et territoire en Kabylie : une variable du développement territorial viable », Op.cit.
[6] – CHAKER, S., Op. Cit. P.42
[7]– BERDOUS, N., La question du kabyle en Algérie, Individuation sociolinguistique et processus d’élaboration didactique, thèse de doctorat soutenue le 12 décembre 2017 sous la direction du Pr Alain DI MEGLIO à l’université PASQUALE PAOLI, Corse, France. P.270
[8] – Référentiel publié par la CNP en 2016, PP. 29-30
[9] Chevallard cité par DI MEGLIO, A., « D’une identité réactive à une identité créative : aspects patrimoniaux de la transposition didactique de la langue corse », Op.cit.
[10] -Ibid.
[11] – Fervent défenseur de l’identité amazighe, il crée en 1966 une association dénommée Académie berbère d’étude et de recherche culturelle dans le domaine amazigh. Grâce à cette association, dont Bessaoud sera la force motrice, les énergies militantes en faveur de la cause identitaire se sont mobilisées et son travail contribuera à l’éclosion d’une conscience et à l’éveil des consciences pour la reconnaissance de l’identité et de la culture amazighes. Il est né le 24 décembre 1924 en Algérie et mort le 1er janvier 2002 en Angleterre. Il était également colonel puis capitaine à ALN, pendant la guerre de libération nationale.
[12] – DI Meglio, A., « Didactique des langues minoritaires et enjeux de légitimation », dans Guide pour la recherche en didactiques des langues et des cultures, Éditions des Archives contemporaines, P.6.

Bibliographie :

    • BERDOUS, N., La question du kabyle en Algérie, Individuation sociolinguistique et processus d’élaboration didactique, Thèse de doctorat soutenue le 12 décembre 2017 sous la direction du Pr Alain DI MEGLIO à l’université PASQUALE PAOLI, Corse, France.
    • CHAKER, S. Imazighen ass-a, Editions Bouchène, Alger, 1990
    • Di Meglio, A., « D’une identité réactive à une identité créative : aspects patrimoniaux de la transposition didactique de la langue corse », dans Vivre du patrimoine, un nouveau modèle de développement, Éditions L’Harmattan, 2010.
    • Di Meglio, A., « Didactique des langues minoritaires et enjeux de légitimation », dans Guide pour la recherche en didactiques des langues et des cultures, in Blanchet/Chardenet (éd.) AUF/EAC, Paris, pp.9-19, 2011.
    • DUJARDIN L, « Géographie culturelle et géopolitique en Kabylie, La révolte de la jeunesse kabyle pour une Algérie démocratique », consulté le 23/09/2019 sur le
    • PERRET, C., et GAGNON, C., « Identité et territoire en Kabylie : une variable du développement territorial viable », consulté sur le http://www.uqac.ca/portfolio/christianegagnon/files/2012/07/Identit%C3%A9-et-territoire-en-Kabylie.pdf, consulté [le 17/09/2019]
    • ELOY, J.-M., Des langues collatérales. Problèmes linguistiques, sociolinguistiques et glottopolitiques de la proximité linguistique, Paris, L’Harmattan, 2004
    • MARCELLESI, J.-B (T. Bulot et Ph. Blanchet co-éd.), Épistémologie, Langues régionales, Polynomie, L’Harmattan, Collection Espaces Discursifs, 2003.
    • RISPAIL, M., Abécédaire de socio-didactique: 65 notions et concepts, Éditeur Pu Saint-Etienne, 2018.
    • Le manuel de la 4ème AP, Éditions ONPS, Alger 2019
    • Le manuel de la 5èmeAP, Éditions ONPS, Alger 2018
    • Le manuel de la 5ème AP, Éditions ONPS, Alger 2019