Nous posons enfin pneus sur l’asphalte de la très attendue pénétrante de Béjaia. Finis le calvaire  des dos d’âne, les queues leu leu   et la touffeur  qui  caractérisent la RN26, en cette période de l’année. Le trajet vers Chemini s’annonce moins stressant, voire agréable au moment de « l’escalade » de l’Akfadou. Dehors, la température avoisine les 45°. A  l’abri de la géhenne externe, rafraichis par le léger souffle de la clim, nous suivons la matinale de radio Soummam. L’info n’a d’yeux que pour… les jeux arabes, l’évènement sportif en est à son avant-dernier jour.  De temps à autre, et par un mystérieux effet psychologique, nous sentons l’écrasement de la canicule, dès que nous dépassant un véhicule en souffrance, capot ouvert et fulminant sur la bande d’urgence.

Nous arrivons à hauteur de Sidi Aich. Nous cherchons des yeux une déviation. Nous n’en voyons pas. On n’a pas d’autre choix que celui de continuer jusqu’ aux environs de Timezrit pour rejoindre la RN26. La trentaine de Kilomètres qui nous séparaient  de Chemini semblait durer une éternité. Traverser le centre de Sidi Aich était le moment le plus éreintant du voyage. On avançait à pas d’escargot, sous toujours le même soleil de plomb. Enfin au pied du mythique Akfadou. Nous grimpons. Nids de poules et autre crevasse par endroits nous obligeaient à ralentir, nous arrêter et manœuvrer. Mais en gros l’asphalte reliant Sidi Aiche à Chemini est correct. Chemin est à portée de quelques minutes. De loin, nous voyons une grande banderole de l’Agora du livre. Nous n’avoyions pas à demander où est abrité le Salon du Livre organisé par la battante association Agraw.

Il est 10h. Nous sortons du véhicule. Et c’est alors que nous avions mesuré l’importance du contraste. Nous avions espéré que la haut, à Chemini, il ferait frais.

Le sourire accueillant de Nadir et ceux de ses amis de Agraw nous rafraichissent. Le temps de prendre un café et autres rafraichissement à l’ombre, nous prenons connaissance du programme retenu pour l’Agora du livre.

Les auteurs sont déjà installés. Il était temps de faire un petit tour, histoire de prendre la température de l’évènement livresque. Nous reconnaissons  les habitué(e)s  des Salons du livre.  « Azul » par ci, « bonjour » par là. De nouvelles têtes : ces auteurs sont venus de l’ouest et du sud du pays. Nous échangions quelques mots  avec  Remi Habib, l’auteur de Epreuve fatale . il était impressionné par le paysage. « Nous n’avons pas ce paysage à Mascara », regrettait-il. Mais ce qui semblait  l’impressionner le plus est l’intérêt que le citoyen lambda de Kabylie porte au livre.

Un petit tour dans la salle prévue pour les conférences. Les belles âmes du professeur Haddadou et de Kaysa et Mhenni Khalifi y planent. D’ailleurs, cette quatrième édition de l’Agora du Livre leur est dédiée. Plus tard dans la soirée,  un hommage est prévu pour Kaysa et Mhenni. Leurs parents, leur sœur  et leurs amis y apporteront des témoignages.

Des amis virtuels  ont pris corps à Chemini : Γusten, Maya, Djader…

Quel bonheur de rencontrer le battant et non moins critique pertinent Tariq Atinuc. Il suit de très près ce qui s’écrit en kabyle.  Il n’y va pas de main morte pour dire.  Tariq est le genre de bonhomme que l’on verrait bien à la tête d’une maison d’édition :  il « connait » et aime le livre, il le tire vers le haut, il est allergique à la médiocrité…

Quel bonheur aussi de retrouver Docteur Nasser Ait Ouali et notre ami Brahim. Nasser , l’auteur entre autres de L’écriture romanesque kabyle d’expression berbère  et Le théâtre de Mohya. Adaptation et créativité , que l’on ne croise même pas sur les réseaux sociaux nous expliquera qu’il est déconnecté du virtuel depuis pas mal de temps. Cela lui a, et nous a, réussi puisque il a plus de temps à consacrer à l’écriture. Il est d’ailleurs sur un chantier qui traite du roman kabyle.

Noredine Ait Slimane, la personne qui parle le mieux de Moya était l’hôte de l’Agora. On ne le voit pas trop dans les salons de livre. Pourtant,  l’apport du poète et du dramaturge qu’il est  ne peut qu’enrichir la dynamique littéraire.

Ageswah kan, le poète impénitent, était aussi au rendez-vous de l’Agora. Yahia attache beaucoup d’importance à « awal ». On est dans l’étymologie du mot avec lui. On ne s’en lasse pas.

Docteure Linda Ouatah et son adorable fille Atina, une écrivaine qui s’ignore encore, ne pouvaient pas manquer le rendez-vous. Elles sont venues échanger et faire des emplettes littéraires.

Quel bonheur de mettre un visage sur un nom d’un artiste polyvalent. Un grand bonheur « d’identifier » Toufik Hadibi, tout sourire à croire qu’il est né avec. Lui et sa troupe donnerons forme à la beauté et en feront un spectacle qui marquera les esprits.

Le jeune, et le  très déterminé à hisser haut tasekla, Larbi Yahioune était aussi à Chemini. Il ne semblait pas très satisfait de tout ce qui s’écrit en kabyle. Mais il reste optimisme. Un optimisme qu’il développera, lors de la conférence qu’il animera à propos du roman kabyle.

De jeunes auteur(e)s  décidé(e)s n’avait pas loupé l’Agora. On reconnait le très sympathique, Nadjemddine,  Djamal Mahroug,  Lyes Belaidi, l’apaisée et apaisante Tilelli Bellal et Hamoum, son amie de même tempérament …. Leurs plumes sont prometteuses.

L’Agora du Livre c’est surtout une histoire de courage, de détermination, d’abnégation et d’amour pour « adles » et « adlis ». Ce courage, cette détermination et amour ont un nom : l’association Agraw.

Tahar Ould Amar