At Aggad nous ouvre grand les bras. Les premiers invités du Salon du Livre At Ouacif (SLAO) à Tizi-Ouzou, n’ont d’yeux (peut être aussi de Dieux) que pour le Azṛu et les lumières parsemant les collines rattrapées et noyées dans l’obscurité qui s’est invitée au décor. Après un succulent couscous, Farid, qui a mis à la disposition du SLAO la résidence familiale, conduit les hôtes chez lui, leur fait visiter les lieux et les met à l’aise, avant de leur remettre les clés et de prendre congé.
Taleṭaṭ, encore Taleṭaṭ
Le SLAO est sur le starting-block, prêt à dérouler son tapis bleu, vert et jaune à Tasekla grandeur Adrar. Plus que quelques heures, avant qu’il ne proclame : « et de trois ! ». Nous ne pouvons rater le désormais incontournable rendez-vous. Il va falloir enjamber Adrar pour s’y rendre et y prendre le pouls de « Adlis ».
Têtu qu’il est, le mercure défie l’automne. Fort heureusement, il baisse sensiblement d’un cran à partir des 16 h. C’est donc à la faveur d’une relative fraicheur que nous embarquons pour Ouacif. Nadia, une amie tunisienne fait partie voyage, ou plutôt de la nuzha (excursion) , comme elle l’avouera plus tard. Nous entamons l’escalade. Nadia ne dit mot. Elle est Captivée, fascinée par ce que dégage le majestueux Djurdjura . Nous ne sommes pas loin de Taleṭat, encore Taleṭat, toujours Taleṭat. Une halte s’impose. L’amie tunisienne parle enfin et dit sur fond ironique:
– Tunes lxedṛa (Tunisie la verte) !
-Alors Nadia, pas déçue ?
– C’est criminel.
– Quoi donc ?
– De cacher toute cette beauté aux touristes.
Changement d’itinéraire. Nous prenons la direction de At Aggad. Nous ne verrons pas grand-chose de At Tgemmunin , Tirwal, At Abdellali et Timeɣras que nous traversons dans l’obscurité. Seule la statue de Lhaǧ Lmexttaṛ nat Sayd, implantée à Tirwal et éclairée par deux lampadaires attire les regards. Nadia, qui ne laisse rien passer, nous demande : « qui représente cette Statue ?»Nous lui parlons de l’amusnaw de la région, de ce que nous avons retenu de son parcours.
L’équipe
At Aggad nous ouvre grand les bras. Les premiers invités du SLAO n’ont d’yeux (peut être aussi de dieux) que pour le Azṛu et les lumières parsemant les collines rattrapées et noyées dans l’obscurité qui s’est invitée au décor. Après un succulent couscous, Farid, qui a mis à la disposition du SLAO la résidence familiale, conduit les hôtes chez lui, leur fait visiter les lieux et les met à l’aise, avant de leur remettre les clés et de prendre congé.
Le lendemain, dès la première heure, nous dégringolons à Wasif, réceptacle des exposants. La maison de jeunes est en effervescence. De loin, nous reconnaissons Usales qui ne risque pas de se fondre dans une foule. Il place les dernières tables destinées aux auteurs. Un peu plus loin, Ahmed , le banquier pas comme les autres, et Seddiq « tout marche à merveille » semblent se concerter à propos des denrées à acheminer à At Aggad. A l’intérieur de la maison de jeunes, dans une pièce aux allures de bunker, Muhdu, l’institution instruit Smail, son frère au sujet du Ayalas du Slao. Mokrane, dévoué qu’il est, est là aussi. Son regard et son sourire se posent et ça et là à la recherche d’une tâche à accomplir. Sadi, ancien maire de At Boumehdi, met son carnet d’adresse et son expérience d’élu à disposition du Slao. Comme tous, il ne ménage aucun effort pour faire aboutir… adlis. Van, van et revan ! voilà que passent Cherifa et Taninna, les deux abeilles qui font le bonheur du SLAO . Elles butinent et ne cesseront de butiner jusqu’à la clôture. Auteurs et éditeurs arrivent au compte-goutte. Ils sont tout de suite orientés vers la salle d’accréditation, le cœur battant du Slao.
De bon matin, Firas mord dans son morceau de… pain au fromage. Ceci étant mordu, Firas ne perd rien de l’installation des auteurs en cours. Lui aussi il butine. Nous sommes à un peu plus d’une heure de l’ouverture officielle. De petites tensions sont ressenties. De sa voix apaisée et apaisante Hacène, lkumisaṛ comme l’appellent affectueusement les membres du Slao, réussit à tous les coups à calmer les esprits. Abdennour, le gentleman à l’humour très english, ne se fait pas prier pour toucher à tout. Hakim aussi est là. Sans se départir de son sourire, lui aussi veille au grain. Comme tous, Maitre Saheb devient factotum tout le temps que dure le Slao. Salah, venu des Ouled Nayel, sac-à-dos au dos, pointe illico presto là où il pense que ça flotte. Hamid, droit comme un ajerrid n tuqqna et souriant comme une banane, balaie du regard la cour de la maison de jeune à la recherche d’un éventuel couac à… noyer. Pour cause d’un petit problème à la jambe, Djamal n’est pas trop visible. Cela ne l’empêche pas de combler ses absences sporadiques par des xerjat dont lui seul a le secret.
La parenthèse « ouverture officielle » avec ses corollaires litanie de parrainage et ses phraséologies insipides passées, l’Adlis et l’auteur se réapproprient l’espace au grand bonheur d’une culture debout contre vents et marées.
L’âme de Boudinar et celle de Sabri, pèsent lourd dans la salle où l’on leur rend hommage. L’émotion est telle que les aristes Farid Berkal et Rashid Hamatou ont été surpris par un gros sanglot qui arrêtera net leur « témoignage ». Mais leurs larmes en avaient dit beaucoup.
Un petit tour dans la cour qui s’avère exiguë pour contenir ce beau monde que composent les auteurs et les éditeurs. Les stands sont pris d’assaut par les visiteurs. Place aux selfies, après les dédicaces ! Ils sont venus de loin acheter et encourager Tasekla. Les sponsors ne se sont pas seulement contentés de mettre la main à la poche. Ils ont tenu à être présents et à ….acheter des livres. On citera entre autres, Mouloud Haddad, Herbi Arezki, Lyazid Khaber et Badache.
Emotion à At Aggad
Le soleil décline. Il est temps de « monter » à At Aggad. Le village ouvre grand ses bras à ses invités qui pour beaucoup découvrent la région dont ils disent être tombés amoureux et promettent d’y revenir d’autant qu’ils ont pris acte de l’existence des maisons d’hôtes. Juste après le diner, l’esplanade où est montée la scène resplendit de couleurs. La gent féminine est présente en force. Elle le sera pendant les trois soirées.
Muni de sa guitare et d’une voix sublime venue des profondeur du Mont Chenoua de Tipaza ,Billal Annou enflammera l’esplanade et aura droit à des youyous made in Djurdjura. Sin-nni, revisitée par la troupe de Michelet , captera l’attention d’un public aux anges de rompre avec la monotonie. Les imedyazen se succéderont sur la tribune pour déclamer les isefra. La langue y est sublimée et dans le fond et dans la forme. Et voilà qu’arrive le tour de Ait Boussad Akli. Les plus âgé(e)s parmi le public découvrent une autre manière de dire asefru. Déstabilisé(e)s dans un premier temps par une voix sur fond musical, ils(elles) finiront par apprécier et en demander. Adjal (le veuf) sublime texte d’un amour incertain, est tout particulièrement apprécier. On ressent une charge émotionnelle planer au-dessus de l’esplanade. Sans doute que parmi le public des imɣaren et des timɣarin se reconnaissent dans Adjal. Ait Boussad a trouvé les mots pour dire leurs non-dits. Un grand bravo au poète qui a réussi cette communion et a permis à l’amoureux et à l’amoureuse mélancolique de trouver le mot dont il/elle a besoin.
Conférences et public en or
Conférences et tables-rondes bonifient les marinées et les après-midi du Slao. La première table-ronde retenue au programme , à laquelle ont pris part des animateurs de Salon du livre et cafés littéraires, s’est intéressé au devenir de ces rendez-vous culturels et à la possibilité de coordonner les efforts .
Aomer Ulamara, le digne fils de son père, refuse la mort de Yugurten. Optimiste qu’il est quant au devenir de tamazgha, il ramène à la vie l’Agellid. « L’auteur » de Iberdan n tissas, une œuvre qui mérite d’être connue de tous , était dans son élément à Wasif. Il y restera jusqu’au dernier jour.
Ali Mouzaoui, Bélaid Tagrawla, Kebci Mohamed, Tasadit Yacine, Tacfarinas Nait Chabane, Mehieddine Khelifa, et Farida Hacid se succèderont sur la scène de la salle des conférences et y composeront un éclat de couleurs dominé par le bleu, jaune et vert : chanson, cinéma, histoire, littérature…
Samedi après-midi, Slao baisse rideaux avec le sentiment d’avoir réussi son coup. Qu’en est-il réellement ? interrogé à propos de la 3ème édition du Slao, un auteur répond : « Moi, j’ai dédicacé plus de livre qu’au SILA ». Et c’est là justement l’une des raisons fondamentale d’être du SLAO.
A ses balbutiements, Slao avait l’impression que tasekla est. A sa troisième édition, il en a la certitude.
Tahar Ould Amar