C’est son second roman ayant suivi « Celle qui dit non! » (Ed. Richa Elsam, 2018).
Pour ceux et celles qui ont lu ce dernier, les scènes rapportées représentent un pan de l’effervescence politique des islamistes des années 90 et les péripéties vécues surtout par la junte féminine, notamment dans l’université algérienne, avec leurs poids de refus et de résistance. La Plumaison, quant à lui, nous mène vers d’autres aventures d’un adolescent de la même période, issu d’une famille modeste.
Tout au long de plus de vingt chapitres, certains lecteurs contemporains verront fuser en eux quelques souvenirs personnels ou vécus par des proches.
L’auteur a su, de par sa formation académique, les faire remonter pièce par pièce comme un puzzle. Son choix judicieux des mots et des expressions a ravivé de face des blessures. Dans un langage simple et imagé, la malléabilité du verbe a hissé le roman en film.
L’auteur a, sciemment ou non, dès les premières pages, attribué à son personnage principal Hassan la fragilité, le manque de décernement et l’inexpérience. C’est dire qu’il s’est souvent trouvé dans des situations de non-choix, de ballottage entre deux, de piège en piège vers l’enfoncement anti-retour.
Pour revenir à « Celle qui dit non! », il me semble que le roman La Plumaison aurait pu s’intitulait «Celui qui dit oui!», vu la complémentarité de l’aspect espace-temps et démographique qui les unit.
En laissant le lecteur découvrir les détails de ces mésaventures et le suspens du roman, je ne le laisserai pas sans lui proposer quelques extraits :
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Hassan avait, ce jour-là, découvert le travail de la terre et ce que l’école lui présentait comme une suite logique à la guerre de libération : la révolution agraire. Ses enseignants lui expliquaient que, grâce à cette vision, le pays s’était définitivement libéré de toute dépendance. Il n’avait plus besoin de recourir aux importations pour subvenir à ses besoins. On lui disait que ce choix répondait parfaitement aux valeurs de partage de notre société, à son souci égalitaire et à la solidarité profondément ancrée dans nos mœurs; nos dirigeants, très attachés à notre foi, ne pouvaient opter pour le système capitaliste que les pays impies appliquaient. Voilà pourquoi on expropriait les terres pour en confier la gestion à une administration.
Les coopératives publiques, constituées dans le cadre de cette révolution, avaient la possibilité d’embaucher des ouvriers en renfort lors des récoltes saisonnières. Ce fut ainsi que Hassan trouva son premier emploi, après l’école. Pendant qu’il étudiait, son père lui interdisait systématiquement de travailler.
(page 35)
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Trois coups successifs sur la fenêtre de sa chambre le réveillèrent en sursaut. Il tendit l’oreille et retint sa respiration ; il s’efforça de ne pas bouger malgré les forts battements de son coeur. Les coups reprirent : trois coups fermes et discrets. Hassan était sûr de ne jamais connaître cette façont de cogner. Celle-ci avait créé en lui un sentiment du sérieux. Cette affaire ne tolère pas d’attente, se dit-il. Son désarroi augmenta.
- Qui est là?
- Ouvre! Hassan.
- Mais, c’est qui?
- Chut! Ne crie pas fort Hassan. Ouvre-moi, s’il te plaît, je suis ton frère.
- Je n’ai pas de frère et puis je ne veux pas ouvrir. Allez-vous-en!
- Hassan! C’est moi, Okba. Tu ne me reconnais pas ou quoi?
Hassan sentit la terre tourner autour de lui. Il espérait se réveiller de ce cauchemar. La voix insista une nouvelle fois. Il se leva enfin et ouvrit la fenêtre. Un commando de trois hommes s’engouffra dans sa chambre. Le visage de Hassan blêmit. Voyant son état, Okba lui chuchota:
- T’inquiète pas, frère, c’est juste une visite de courtoisie.
- Comment as-tu trouvé où j’habite?
Les trois hommes armés se regardèrent et sourirent. Okba lui fit signe de baisser encore plus le ton. (page 122)
« La Plumaison de (Éd. Imru, 2020)
Nasser Uqemmum
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