Deg waggur n tuber i iba i lebda Kateb Yacine. Dɣa, deg wass yecban ass-nnni (28 di tuber, 2022) i d-luleɣ. Rziɣ s amkan-nni ideg uɣeɣ tannumi ttemliliɣ widen ḥemmleɣ, widen i iban i lebda. Ass-nni, ḍemɛeɣ ad n-taf Kateb Yacine. Aṭas yesseqsayen, yeqqar-as : d acu-t tura wemkan-nni uɣur trezzu Tangalt ? Nek , qqareɣ-as i umkan-nni : Urti n Talwit. Amkan yezga yejuǧǧeg, d tafsut ṭul n useggas. Ulac isaffen-nni n lalkul akked tbannagin-nni, « ḥuṛ lɛin »-nni iɣef stuqquten awal di leǧwameɛ.
Deg umkan-nni, imdanen rsen, ulawen-nnsen necraḥen, udemawen-nnsen d acmumeḥ…. Lḥasun ulac lemtel-is di ddunit et,encore moins, di tmurt-nneɣ. Nek, mara yawḍeɣ ɣer din, ttḥulfuɣ s yiwet n talwit dayen kan. Lukan mačči d axeddim, qimeɣ din, ur d-ttuɣaleɣ ara ɣer tmurt.
Atan iḍher-iyi-d Kateb Yacine yeqqim akked Ali Zamoum , Issiakhem akked wiyaḍ ur ten-sneɣ ara.
Qerbeɣ. Afeɣ-ten-in sellen i « Agu » n Lunis At Mengellet.
Tangalt : Azul fell-awen !
Kateb Yacine : tiens, une langue qui me parle. Azul. Qui es-tu ?
Tangalt : isem-iw Tangalt. Nek, d…
Ali Zamoum : ansi d-tekkiḍ a Tangalt, a Tangalt d-yewwi waḍu ?
Tangalt : kkiɣ-d ansi akken d-truḥem, s anda akken ur tettuɣalem.
Issiakhem : Tangalt ? D la revue culturelle ? Yemmesla-yi-d fell-am Djamal Allam, mmreḥba yis-m. La revue dédiée à la culture amazighe, je t’en ai parlé Yacine.
Kateb Yacine : ah, c’est donc toi qui ambitionne de tenir la main à ma Nedjma courtisée par Mustapha, Rachid, Lakhdar et Mourad. Ma Nedjma, notre pauvre Nedjma que personne n’écoute. Notre belle Nedjma pervertie, emmitouflée ans un Tchador par les fous du diable et le silence complice d’une élite au garde-à-vous ?
Tangalt : je ne sais pas comment prendre ça ?
Kateb Yacine : comme une triste réalité. A toi Tangalt, je dis : bravo. J’espère que tu feras des émules.
Zamoum : oui, le Kablouti a raison. Lezzayer n wass-a ṭebra i ṭbel deg waman.
Issiakhem : ihuh, aneft-as trankil i Tangalt. Vas-y Tangalt, atan sdat-m Yacine, steqsi-t akken myehwa. Mmeslay-as s tefransist, taqbaylit cwiya kan.
Tangalt : Nedjma est qualifié, par quelques-uns, comme roman fondateur. Vous en pensez quoi ? Comment avait-elle commencé l’aventure-Nedjma ?
Kateb yacine : tu sais les qualificatifs ne veulent pas dire grand-chose et je m’en méfie. « Après la répression, j’ai traversé une période d’abattement, je restais enfermé dans ma chambre, les fenêtres closes, plongé dans Baudelaire ou dans Maldoror. Mes parents s’inquiétaient, mon père m’a envoyé à Annaba. Là, ça a été le deuxième grand choc, l’amour. J’ai rencontré Nedjma, j’ai vécu peut-être huit mois avec elle, c’était le bonheur absolu. Mais en même temps, j’étais de plus en plus fasciné par les militants, les gens que j’avais découverts en prison et que je retrouvais immanquablement. Il y a vraiment eu un déchirement entre Nedjma et mes camarades. De toute façon, elle était mariée, j’avais seize ans, je savais bien qu’il fallait rompre et c’était vraiment difficile. Je buvais beaucoup, je buvais nuit et jour. Et je cherchais le contact des gens, le bruit… Un matin, après une nuit blanche, j’ai fait l’ouverture d’un bar qui s’appelait le Bar de l’escale et, pendant qu’ils étaient encore en train de nettoyer, je demande un blanc sec (je venais de découvrir, à l’époque, le blanc sec !). Entre un colosse blond, avec un chapeau. Comme on était seuls au bar, on s’est mis à parler : il m’a demandé ce que je faisais, je lui ai dit « je suis étudiant, mais je n’ai pas envie de continuer, j’ai envie d’écrire », il me dit « ah ! ça tombe bien, moi je suis imprimeur ». Et c’est extraordinaire, il m’a imprimé, il a été mon premier éditeur ! Aujourd’hui, il est clochard à Marseille. Il s’appelait Carlavan. Il a été courageux et vraiment généreux, ce bonhomme, il m’a donné tous les livres qu’il avait imprimés… il faut dire que c’était une drôle de situation : il était directeur d’une imprimerie qui avait été pétainiste ; donc, à la Libération, il avait des stocks de papier, ça ne lui coûtait rien et de toute façon il devait partir. Il a fini en beauté !! Et il m’a remis les mille exemplaires sans rien me demander. »
Tangalt : accouchement dans la douleur ?
Kateb Yacine : « Je voulais en effet atteindre une sorte d’accouchement de l’Algérie par un livre. C’est très important, parce qu’à ce moment-là, le sang coulait. En posant la question algérienne dans un livre, on pouvait atteindre les gens au cœur. C’est beaucoup plus fécond, plus fort, c’est le sens même du combat des Algériens : ils ne sont pas morts pour tuer, ils sont morts pour vivre ». Tu sais, l’Algérie est un monde complexe et qui n’a jamais été dit.
Tangalt : le hirak, vous en pensez quoi ?
Kateb Yacine : ce hirak-el moubarek qui se mettait en branle après salat lǧumuɛa, n’avait rien d’une révolution. « Lorsque les forces révolutionnaires sont brimées, lorsqu’elles ne peuvent pas s’exprimer, ce genre de mouvements occupe le vide culturel, s’appuie sur l’ignorance, l’angoisse. Les mass media sont truquées, aucun message ne passe, les gens rongent leur frein, ils étouffent… il ne reste plus qu’à aller à la mosquée… sans compter que ces gens-là ont d’énormes moyens financiers et qu’ils utilisent des arguments démagogiques : ils voudraient revenir à la pureté originelle, si elle a jamais existé ! Ils dénoncent, ils attaquent la corruption du pouvoir. Mais eux-mêmes sont corrompus puisque leurs dirigeants sont financés par des puissances étrangères. Il faut comprendre comment les choses se sont passées, comment la question religieuse a évolué. Au début, la religion a joué un rôle essentiel dans la révolution : la croyance était l’idéologie du peuple. Pendant la guerre de libération, on faisait la prière et on allait à l’attaque en criant « Dieu est grand ». Mais la vie est plus forte que la religion. Une anecdote que je tiens d’un maquisard le montre bien : un soir, les combattants désignent une sentinelle et les Français attaquent juste à l’heure de la prière, tandis que la sentinelle est prosternée vers l’est. Résultat : plus d’une dizaine de morts dans le camp algérien. Voilà des choses qui agissent plus contre la religion que tous les discours. A la fin, les gens ne faisaient plus du tout la prière dans les maquis. Aujourd’hui, on assiste à une chose extrêmement grave : le pouvoir et son opposition de droite rivalisent dans la construction des mosquées et la démagogie religieuse : si le pouvoir construit une mosquée, les démagogues, en privé, vont en construire quatre… ça multiplie et ça masque la corruption générale… »
Tangalt : et tamazight dans tout ça ?
Kateb Yacine /Zamoum/ Issiakhem : démerdez-vous !
Issiakhem : écoute ça (il monte le volume d’un appareil sorti droit de X-Files) :
Ad d-nesmekti lğil yettu
Γef (u)ḍaṛ asmi nẓemḍ arkas
Mi yeftel i wɛdaw seksu
Nek fetleɣ-as-d aḥlalas
Asmi tekfa daɛwesu
Γliɣ ddaw laɛnaya-s
Laɛnaya-k tecba meṣmaṛ
Yaṛṣan di tesga yeqqim
Nek ak-d-ganniɣ amnaṛ
Seg fus-ik ad ččeɣ alqim
Si tasaft i d-giɣ asɣaṛ
Mačči d terga uɣnnim
Seg asmi baɛdent wallen
Ur ctaqent imeṭṭi
Neɣ ṛğant w(in) ad d-ṛṛuḥen
Xaṛṣum a t–id nesteqsi
Mačči d keč i yi-ɣaḍen
D akal iseg d-nefruri
Tahar ould Amar
P.S : Avec l’aide de Études et Documents Berbères 1986/1 (N° 1)