Du monde beaucoup demande à la 26e édition du Salon International du Livre (SILA). Le palais des expositions est pris d’assaut. Ils  y sont venus de partout, en témoigne les plaques d’immatriculation identifiant les véhicules garés dans tous les sens dans un parking bandé.  Bien évidemment, cette effervescence,  que l’on pense livresque,  nous surprend agréablement et nous fait dire : rien n’est perdu dans ce bled !

Des queues leu leu à ne pas finir devant les… fast food et autres chapiteaux aménagés en cafés maures pour la circonstance.  Queues leu leu aussi devant… les sanitaires.

Et le livre dans tout ça ? Beaucoup de monde aussi  s’est engouffré dans les pavillons abritant les livres. La plupart, ils n’ont d’yeux que pour le parascolaire et le livre religieux, ils n’ont d’yeux surtout que pour  la vente promotionnelle, la bonne affaire. Comme à chaque SILA, le livre religieux est au hit-parade. Son lecteur est très concentré, il semble savoir ce qu’il veut et être venu avec une idée précise, très précise… Il prend le livre, tourne la page, ausculte le quatrième de couverture, le pose (ou le met de côté) prend un autre livre, tourne la page…  Bref, il prend tout son temps,  l’éditeur pressé d’ouvrir son tiroir-caisse…

Les enfants, beaucoup d’enfants (et c’est une bonne chose) poussent leurs parents vers les stands de mangas et autre BD. Les géniteurs ne se laissent pas facilement  faire : ils leurs imposent « Arkan  al islam » et/ou « Al ɛaded wa al meɛdud ». En somme, le SILA pour ces parents et le prolongement de l’école, lieu, hélas de la déconstruction de l’imaginaire de nos enfants.

Effet mode oblige, ce SILA  est caractérisé par le phénomène « anglais à tout prix et quoi qu’il en coûte ». Cet engouement british aux accents algériens est soutenu par une déferlante idéologique que l’on a pu vérifier : un nisf saq au visage noyé par une barbe fournie expliquait à des écoliers  tout le bien qu’il pense de l’anglais et tout le mal qu’il pense de la langue française : « lluɣatu ɛilm, wa luɣatu ɛalamiya », disaient-il aux enfants accrochés à ses lèvres.

A propos de la  langue française, force est de constater sa présence timide au SILA. Est-ce parce que l’on ne produit plus dans la langue de Molière ? Sûrement pas. Cela étant, les « habitué(e)s  étaient au rendez-vous. Il se trouve même un écrivain qui s’est excusé auprès de ses lecteurs  d’avoir épuisé le stock. Pour le selfie, le rendez-vous est donné ailleurs ou au prochain SILA.  Oui, littérature-Selfie, un concept qui mérite une étude socio-psychologique.

Et tamazight ? Le livre d’expression amazigh  va mollo, mais il avance. A ce rythme, et pour peu qu’il ne tombe pas dans le « selfisme » et la complaisance, il arrivera à bon port. Même si son lecteur est mu par des considérations identitaires et la volonté d’aider  tamazight, il n’en demeure pas moins que beaucoup, les jeunes notamment, veulent… lire.

Le défi à venir est de leur offrir les bonnes lectures. Autrement, ils détourneront les yeux devant les ungals.

Tahar Ould Amar