A l’entame de son avant-propos, Aberrezak Dourari souligne que « ce livre devait être intitulé Penser les langues en Algérie, la normalisation de tamazight comme catalyseur ». Il a « ensuite choisi de limiter le titre à sa première partie pour lui donner une portée sémantique plus large ».

Outillé d’un savoir pluridisciplinaire (et interdisciplinaire) , l’auteur de « Penser les langues en Algérie » prospecte l’histoire avec  lucidité, lucidité débarrassée de démagogie valorisant le « ulac (le rien». Nous apprendrons que, depuis les « balbutiements de la nation algérienne » , les langues n’avaient pas été « pensées ».  L’échec est inévitablement au rendez-vous d’une nation réfléchie  par ce que l’auteur appelle « la subjectivité agissante ». Cette « subjectivité » sévit toujours et ne se gêne pas de décréter la langue arabe classique, qu’aucun arabe ne parle chez lui, langue maternelle. Le « malentendu » perdure. Seuls l’école et l’université sont à même de lever le, les, malentendus. Sauf que, et sans trop appuyer sur le crayon du caricaturiste, ces lieux d’émancipation sont devenus lieux de déconstruction.  Dans la partie réservé à l’université et intitulé « Université ou fabrique de fausses certifications ? », Dourari qui sait de quoi il parle ne va pas de main morte :

« Le système éducatif, du primaire au doctorat, ailleurs lieu de formation de l’esprit d’une nation, ne fait ici que pérenniser la domination de l’idéologie obscurantiste en formant un esprit plus sensible à l’émotion –à la catégorie effective du surnaturel- qu’à la raison. Même le rationalisme arabe classique et moderne en est exclu. »

Pour l’auteur, « l’université est devenue un système d’écluses par où transitent des flux de cohortes massives d’étudiants anonymes, et qui en ressortent comme ils sont entrés : sans compétence disciplinaire et sans changer positivement leur esprit. Seules les mosquées, macro-cellules d’endoctrinement islamiste et antirationnel, fleurissent dans les quartiers et dans les cités universitaires. Entre 17000 et 18000 mosquées en Algérie, soit plus que le nombre d’écoles, brident la pensée et lui imposent leur chape conservatrice » et est aussi devenue « un espace de domination politique et bureaucratique organisant  la compétition d’allégeance au pouvoir »

L’essai du Professeur  Dourari, cet universitaire pour qui la politique linguistique  ne peut  aboutir à bon port que si elle est mue par l’idéal démocratique et citoyen,  n’aborde pas que cette question linguistique et son corollaire identitaire : d’autres aspects, catalysés justement par la normalisation de tamazight, y sont conviés.

 Tahar Ould Amar

 

L’auteur :

Abderrez Dourari est professeur des sciences du langage et de traductologie. Il est également directeur du Centre National Pédagogique et Linguistique pour l’Enseignement de Tamazight. Il est auteur de plusieurs ouvrages dont « les malaises de la société algérienne », « Crise de langue et crise d’identité », « tamazight dans le système éducatif algérien », « Problématique d’aménagement » et « Culture nationale, cultures populaires »