Cela fait près de quarante années qu’ils peaufinent de beaux textes sur fond de belles mélodies. Ils ne se sont jamais encombrés de considérations liées au show-biz et ne le feront sans doute jamais. Tout comme leur rapport à leur environnement, leur rapport à la chanson est sain. Pour eux, composer est un entracte, une récréation, une pause pendant laquelle ils savourent le plaisir de donner forme à la beauté.
Passée la récréation, ils vaquent à leurs occupations, dont celles qui leur assurent une subsistance. Oui, la chanson ne nourrit pas les frères Gaham, Aissa et Hocine, car c’est d’eux qu’il s’agit. Hocine est enseignant, et son frère Aissa est cadre à Naftal. Aujourd’hui à la retraite, ils ne vaqueront qu’à une seule occupation : composer.
Ces artistes de « province » natifs de At-Laaziz, que l’humilité et le « kafaf wa lɛafaf » empêchent de se mettre sous les projecteurs, sont connus et appréciés dans leur région. Pourtant, un peu plus de visibilité médiatique, derrière laquelle ils n’ont jamais couru, rendrait justice à leur talent et ferait connaître et apprécier leurs créations au plus large public.
Écouter les Gaham, c’est rattacher le Nord au reste de l’Afrique. Les Gaham réussissent tout naturellement, sans forcément le rechercher, à « greffer » sans couacs un peu de l’âme africaine au folk kabyle. « Notre Belle Afrique » est la seule chanson qui met en veilleuse le Nord, le temps de hurler sa colère :
Toujours des cortèges de petits orphelins.
Toujours des manèges de réfugiés africains.
En quête de paix qui tarde à venir.
Amère est la vie et quel avenir ?
C’est tout de même incompréhensible que leurs tubes soient retenus au top de Radio Internationale d’Athènes, de Radio Francia, de East Side Radio, de Top France Mexico, Net Radio Russia… mais pas chez eux.
Tahar Ould Amar