Auteur de trois ouvrages, deux recueils de poèmes (Gar yiḍelli d wass-a, 2017 et Layas d usirem, 2019) et d’un recueil de contes (Ddren wid i d-ttaddren, 2022), Mohand Babou (Muḥend Babu) revient, cette année, avec un autre livre de poésie intitulé Tira s yimeṭṭi.
Composé de 26 poèmes précédés d’une préface signée par Qasa Taɛeqqubt, ce livre de 101 pages est publié à compte d’auteur.
La matrice de la création poétique dans les textes de ce recueil tire sa substance première de la convention traditionnelle en ce qui concerne la relation entre la parole poétique et le contenu moral socialement admis, notamment dans la (re)production du code traditionnel face aux bouleversements multiples, imposés et surtout inattendus, du temps présent. Plusieurs éléments montrent cette filiation comme la reprise du motif du poème-mémoire et le motif du règne animal comme socle pour l’allégorie.
Pour se positionner dans ce temps, le poète, Mohand Babou, semble se donner la mission d’entrer en résistance. Le poème intitulé Adrar, ticraḍ d yicifaḍ (pp. 34-37) constitue une belle illustration de cette position où l’énonciateur interpelle ceux qu’il estime source de perturbation et sujet d’aliénation pour les tenir pour responsables de la situation. Le procédé d’opposition nous/vous structure globalement ce thème. Même désignés et/ou qualifiés d’amcum et d’ungif, le lecteur y trouvera que l’Autre est décrit dans quelques poèmes, à l’instar du texte déjà mentionné plus haut, At lɛard usekkak(pp. 38-39), Ɣer wuccen yessewɛed umeksa (pp. 55-57) et, à un degré moindre, Ṣṣraya n tillas (pp. 44-46) comme une personne plutôt proche de l’énonciateur. À quelques exceptions près, cette dualité structure une bonne partie des textes de la première tranche du livre. L’autre partie est essentiellement composée d’hommages aux parents, notamment le père et la mère.
Au plan de la forme, tout en s’inscrivant dans les configurations traditionnelles, quelques parties de certains poèmes proposent des aspects novateurs sans gros bouleversements de la tradition métrique. Toutefois, le dernier poème (Abrid-ik aneggaru, pp. 97-101) contraste royalement avec le reste du recueil. Sa forme est nouvelle, ses vers libérés de la mesure et de la rime traditionnelles, son rythme est plutôt rapide avec des mots porteurs d’exclamations induites par la situation et la posture de l’énonciateur. Notons aussi que la rime est à plusieurs endroits portée non seulement par des échos sonores mais aussi par des associations et des ressemblances morphologiques des mots en positions finales des vers et ceux formellement proches mais occupant les positions internes des vers. Ce qui donne à plusieurs strophes des constellations formelles harmonieuses.
Deux petites remarques pour finir cette lecture. La première est en relation avec le titre de ce recueil : Tira s yimeṭṭi. Il me paraît que son lien avec les 26 poèmes est fragmentaire dans la mesure où il ne reflète et ne recouvre essentiellement, et d’une manière claire, que la seconde partie du recueil, une dizaine de textes. Les aspects de la confrontation de nature doctrinale avec l’Autre(-proche) et la posture de l’énonciateur faite de reproche, critique et résistance ne semblent pas prendre en charge le second segment du titre. La deuxième remarque est relative à la qualité matérielle du livre. Malheureusement, ce dernier n’a pas résisté à la première manipulation (pourtant soigneuse et rapide). La qualité de la reliure faisant défaut, les pages du livre ont rapidement cédé en se décollant.
Mohand Akli Salhi