Un spot publicitaire, consacré à une marque de frites, met en scène un moulin à paroles et son copain, silencieux, dégustant des bâtonnets frits. Quand le moulin à paroles se tut et se rappela des frites dorées, il était déjà trop tard. Et la réclame clôt les quelques minutes de spot ainsi : ce sont ceux qui en parlent le plus qui en mangent le moins.

Il en est de même du bruit qui entoure « Houris » : ce sont ceux qui en parlent le plus qui lisent… En folie, la toile est à l’affût de tout ce qui est périphérique à K. Daoud. Du contenu narré de « Houris », pas une appréciation. On est allé jusqu’à remonter le temps pour débusquer un ado islamiste. À cet âge, Daoud en « construction » avouait qu’il était préoccupé par Dieu et la masturbation. Il lui est reproché aussi d’avoir « dénigré » le sacro-saint Hirak à propos duquel il avait « averti », en 2019 :

« Si demain nous perdons, nous perdons ce pays avec. Le Régime s’en sortira plus fort, impuni, solide. Il nous le fera payer, nous, nos enfants, nos arrière-petits-enfants. Plus jamais l’Algérie ne rêvera d’être libre. Il faut à la fois demander le départ du régime, dans sa totalité, et préserver l’État. Car l’État c’est nous et eux sont un gang preneur d’otages. Il est nécessaire d’être fort, ferme et mobilisé. Il est important d’être raisonnable, lucide, passionné mais sans méfiance envers la bonne foi. Nous devons libérer ce pays et réussir une vraie réconciliation. Notre terre accueillera alors nos différences qui deviendront heureuses et sources d’enrichissement. Si nous perdons, nous perdons tout et tous et pour des générations, et pour des décennies. Alors demain il faut être nombreux, partout. »

« Nous ne pouvons plus reculer, car nous le paierons. »

Daoud, lui qui disait qu’il était plus à plaindre que les militants de la cause amazighe « car eux au moins ont conscience de leur identité », avait aussi surpris par une phraséologie plutôt acerbe : « Car quand on accepte de laisser faire les théories de la suprématie, les prétextes de l’identité et la culture du victimaire en Kabylie, on réinvente la solitude, on perpétue la douleur et on fabrique des criminels qui prétextent la défense ou la vengeance. Qui d’entre nous oserait dénoncer qu’on brûle en Kabylie des urnes et des centres de vote ? Personne, car le prétexte de la lutte pour la démocratie sert à l’immunité de la violence ». Les théories de la suprématie ? Étonnant, mais ça reste un point de vue que l’on aurait aimé que Daoud ponde lorsque :

  • une députée a puisé dans l’archaïsme qurayshite et a appelé les « Arabes » à ne pas commercer avec les Kabyles, ne pas épouser leurs filles…
  • un « intellectuel » de son patelin a puisé dans « Mein Kampf » pour mettre en branle l’opération « zéro Kabyle »
  • Un candidat à la présidence hurlait sa haine contre la dechra
  • Une vidéo appelant à « raser la Kabylie » a été lâchée dans la nature
  • .. la liste est longue.

On reproche surtout à Daoud d’avoir qualifié de pogrom l’attaque du 7 octobre et de n’avoir pas soutenu la cause palestinienne. Ligne rouge ! Pourtant, l’auteur de « Houris » avait clairement exprimé son soutien au peuple palestinien, en soulignant qu’il ne soutenait pas une idéologie mais un peuple en souffrance qui subit une injustice.
Et voilà qu’enfin on s’intéresse à « Houris », au personnage central. Comme dans Meursault contre-enquête, la vraie identité de Aube est révélée au grand public, via un média lourd et l’hystérie des réseaux sociaux. Il s’agit de Saada Arbane, une jeune fille vivant à Oran et qui accuse l’auteur de lui avoir volé son histoire.  La jeune fille expliquera qu’elle était suivie psychologiquement par l’épouse de Daoud (psychologue). Autrement dit, cette dernière aurait   violé le secret médical en partageant le secret de sa patiente avec son époux qui en fera un roman.  On n’est pas dans le plagiat. Où est le vol ? Beaucoup de romans partent de faits réels habillés de fiction. En plus, à aucun moment, n’est cité le nom de Saada qui, si elle n’avait pas réagi, se serait assuré l’anonymat, c’est tant est son désir.
Saada aurait-elle dit à son psy : « Mes deux langues m’enserrent la gorge comme deux mains. La première est la langue qui danse dans ma tête comme un foulard, un fleuve cité dans le Coran, une seconde peau sous la peau. C’est avec elle que je te parle pour t’envoyer auprès des femmes du paradis, et te convaincre que venir au monde ne vaut pas la peine. Au lieu de tomber du ciel comme un mouton, restes-y, inaccessible aux hommes… » (p.10)

Sûrement pas, à moins qu’elle ne l’aurait écrit.