… Mamou La-Croix est hors de lui. Il vient d’apprendre qu’une fondation pour contrecarrer la dynamique évangéliste est née à Tizi-Ouzou, ce zaεma havre de paix. « Ya bu… ! Lukan meqqar di Peshawar id-tlul la fondation n ẓmer », lâche-t-il entre deux envies de mordre son frère Lamine les deux poils qu’il attend d’ailleurs de pied ferme.
Mamou est devenu une bombe de fabrication artisanale prête à exploser à la figure de tout ce qui porte une barbe. Il ne tient pas en place. Tuqaε deg-s tmellalt. Il fulmine de rage, ce chantre local de « paix et amour ». Les Deux-Poils rentre. La-Croix explose. Sa déflagration est inintelligible. Tout se bouscule dans sa tête : dénonciation, condamnation, l’envie de mordre, l’envie de tuer, des idées de suicide… Mais rien ne sort de sa bouche. Il lève la main. À ce moment, le vieux Boussad, que jusque-là la violence à peine maîtrisée de son petit-fils amusait, s’interpose : « Tu ne tueras point ! Va t’asseoir le pape ! Toi aussi bu ccamar ».
Les frères s’exécutent. Lamine est sidéré. Il ne comprend pas la colère de son frère. Il a d’abord mis cette rage sur le dos de ramadan, puis il s’est rappelé que La-Croix ne jeûne pas. Il interroge des yeux Mima et sa mère. Rien. Personne ne sait quel bourdon a piqué Mamou. Le grand-père demande des explications : « Aha Benoît XVI, je t’écoute ! » La croix lui parle de la fondation créée à Tizi-Ouzou pour faire barrage au christianisme.
– Et alors, les fondations, les associations, elles existent et existeront tant que cela rapporte de l’argent. Et keč en quoi ça te regarde ?
– Mais jeddi, cette fondation nous dénie le droit d’exister…
– Isem-is yemma-k ?
– …
– Écoute-moi, toi aussi bu ccamar ! Je n’ai rien à foutre de vos croisades moyenâgeuses. Ici vous êtes deg wexxam n Bussaεd Ya Kho. Et tant que je suis vivant et que vous êtes hébergés chez moi, ulac le saint pape, ulac le saint amir el moumnin, ulac ula d le saint Bouddha ! Ma d Tizi Ouzou, anef-as kan, telha-d d umennuɣ n temxarin.