… chaud, trop chaud. Le mercure a explosé. Portes et fenêtres sont franchement ouvertes. Et tant pis pour lḥejubga ! Le vieux Boussad a opté pour un large Bermuda et un maillot de corps. Il est allongé sur un agertil face à la porte-fenêtre qui donne sur le bâtiment d’en face. Il est aux aguets du moindre mouvement d’air. Rien.
À la chaleur n Rebbi, s’ajoute celle qui vient de la cuisine. Sekkoura a déjà mis son uskir sur le feu. « Rnu timest i timest ! », murmure difficilement le vieux qui vient d’ajuster son oreiller. Il est dans un de ces états ! L’aɣamac a davantage dilaté ses veines. Mima est inquiète. Elle court chercher le ventilateur dans la pièce d’à côté. Elle le règle de sorte que l’air atteigne le visage de son grand-père et le met en marche.
– Amek a jeddi, ça va, tura ?
– Un peu a yelli, s’efforce-t-il de lui sourire.
– Tu sais que tu peux boire !
– Qui te dit que j’ai soif ?
– Tes lèvres sont asséchées. Tu m’as l’air trop fatigué…
À ce moment-là, entrent Lamine les deux polis et Mamou La-Croix. Ils s’approchent de leur grand-père pour s’enquérir de son état. Lamine se lance dans une grande fetwa pour convaincre son aïeul de l’obligation de rompre le jeûne dans de pareilles situations : «…ainsi, esseyam âala men istataâ. » Le grand-père écoute sans réagir. Jamais les deux frères ne l’avaient vu aussi réceptif. Cela encourage la Croix à prendre le relais pour essayer de convaincre à son tour son grand-père : « … tu as entendu Lamine. Je pense que pour une fois il a un peu raison. Pourquoi t’entêtes-tu à porter la Croix ? Notre seigneur Jésus la porte à notre place à tous, alléluia ! » Voyant que leur grand-père ne réagit toujours pas et, surtout, ne les ridiculise pas, ils continuent dans la lancée islamo-évangélisatrice. Résultat : le vieux a encore plus chaud. Il se tourne vers ses petits-fils et les regarde, comme il a l’habitude de le faire pour leur signifier : ruhat… !
– Mais jeddi ils ont raison, il faut que tu boives !
– Je n’ai ni soif ni faim Mima !
– D acu ihi ?
– C’est le icmiqnat !
Il explique à sa petite-fille que le icmiqnat est un mot qui n’existe pas, mais qu’il fallait l’inventer pour définir des situations indéfinissables avec les mots qui existent déjà.
– Et c’est quoi le icmiqnat ?
– Imagine le cheval de Clint Eastwood à Boussaâda.
– Inimaginable !
– C’est ça le icmiqnat.