Une atmosphère belghitienne prévalait sous le ciel bienveillant de Ouacif, bien avant que le SNLAO ne soit dans le starting-block. Décidément, les troubles de vision tidjaniens et le mutisme inquiétant de l’autorité régalienne n’ont toujours pas trouvé de palliatif. Koukou est plus que jamais persona non grata. Dilemme pour le comité d’organisation du SNLAO : fallait-il tenir le Salon sans Koukou ou reconduire le soutien à l’éditeur et mettre en péril le devenir du Salon ? La problématique a été au centre des réunions des membres d’organisation. Le « aller jusqu’au bout et advienne que pourra » (l’une des options retenue) aurait signé la mort du SNLAO et, surtout, aurait mis dans une mauvaise, très mauvaise posture des partenaires.
Dans un communiqué rendu public, Koukou édition informe : « Le Commissaire du Salon du livre Amazigh d’At Ouacif vient de nous notifier par courrier électronique l’exclusion de Koukou Editions de cette manifestation prévue du 30 avril au 03 mai ». Plus loin dans le même communiqué, l’exclu estime : « … le Salon du livre Amazigh d’At Wasif reste le dernier espace libre-débat encore toléré dans la région. Pour déjouer les manœuvres des manipulateurs de l’ombre qui poussent au pourrissement, ce rescapé du culturicide doit être protégé. Il faut soutenir ses organisateurs bénévoles qui ont réalisé un travail remarquable malgré un environnement hostile et d’intolérables pressions. Il faut encourager les auteurs et les éditeurs présents à ce salon par l’acquisition de leurs livres… »
Tout comme les éditions Koukou, d’aucuns estimaient que la disparition de l’événement phare profiterait au belghitisme et laisserait sur le carreau des auteurs, des éditeurs et des milliers de visiteurs épris de livres en général et de tasekla tout particulièrement. En fait, le meilleur soutien à apporter aux exclus est de maintenir le cap de la palpitation livresque. Le sésame tant attendu n’arrivera qu’à moins de 48 heures du coup d’envoi du Salon. Ces 48 heures n’ont pas été de tout repos pour les organisateurs qui avaient triplé d’efforts et veillé tard pour accueillir leurs hôtes dans les meilleures conditions possibles. Le village Timaghras, partenaire de cette 4ème édition, a été d’un très grand apport. Ne dit-on pas « win ten-yesɛan deg udrar, ur yettagad azaɣar ».
Une grande affluence a été notée dès le premier jour. Cette affluence semblait contester le belghitisme et apporter un soutien agissant à Koukou Editions. Ils sont venus des quatre coins du pays respirer la culture. Tiberguent Aziz, dont, à la place du sang, la Patrie coule dans ses veines de poète, est venu de Paris partager son « Sur les chemins de la mémoire ». Nadjib Stambouli, le dernier des mohicans de la presse, y est venu avec sa « Footballeuse », marquant son premier SNLAO. Bien évidemment, plus de cent autres auteurs habitués et une vingtaine d’éditeurs ont embelli la maison de jeunes de Ouacif. La cour est devenue un véritable essaim. L’on butine ça et là sans modération.
Le hall est consacré aux expositions thématiques, dont celles de Nadia Benameur et de l’infatigable Yahi Rabie. La salle des conférences a cédé son perchoir à des communicants de qualité. S’y succéderont :
- Mohand Akli Salhi, Houari Bessai et l’association Numidia pour parler de l’œuvre de feu Abdelah Hamane.
- Malha Benbrahim-Benhamadouche, très pédagogique, retracera l’historique du parcours d’un combat d’un siècle (de l’oralité à l’écrit : parcours d’un siècle de combat 1880-1980).
- L’histoire archéologique de la Kabylie sera au menu de Farid Ighil Ahrea et de Mohand Akli Ikherbane.
- Le développement durable et la préservation de l’environnement est le thème abordé dans une table ronde animée par Mehdi Kherfi, Houria Ait Sidhoum et Nacer Taleb.
- Le marché linguistique en Algérie est le sujet de la conférence de Abderzak Dourari.
De l’émotion, beaucoup d’émotion a plané lors des hommages rendus à Abderahmane Yefsah, Ahmed Nekkar et Youcef Merahi, des habitués du SNLAO qui nous ont quittés. Le SNLAO a aussi, en signe de reconnaissance, convié Aomer Mohammed-Said, président de l’association Lhadj Mohand Lmkhttar, association initiatrice du SLAO.
La dictée et la récompense des lauréats ont été un moment fort, une preuve s’il en faut que la relève est désormais assurée.
L’accueillant village de Timaghras a été le réceptacle de la convivialité, de la fraternité et du bonheur. Après le dîner made in Timaghras, le restaurant laisse place aux conférences et autres animations. Laceb Djamal, Sahnouni, Hakim Saheb et Halouane Hacène, tous quatre de Ouacif, retraceront les parcours de quelques figures emblématiques de la région.
C’est samedi que le SNLAO a baissé les rideaux avec ce sentiment d’avoir apporté sa pierre, et pas des moindres, à la culture, la culture authentique sans laquelle rien ne va. D’avoir allumé une bougie au lieu et place de se lamenter de (et dans) l’obscurité.
Tahar Ould Amar