Beaucoup parmi ceux qui ont les yeux rivés sur le rétroviseur et n’ont d’ouïe que pour « la chanson d’antan » ne ratent aucune occasion pour dire « tout le bien » qu’ils pensent de Ccna n wass-a (chant d’aujourd’hui). Cela va de « ur d-yegri ucemma (il n’en reste rien) » à « d asṭebṭeb kan (juste du bruit) », en passant par « ur d-yugri ara ccna n teqbaylit (il n’en reste rien de la chanson kabyle) ». Ces nostalgiques de « zik-nni », ces partisans du « figé » et du « vivoter sur place » ne semblent pas regarder autour d’eux pour voir que la chanson ne va pas si mal que ça et que, bien au contraire, des jeunes, avec les moyens de leur temps, ont su l’embellir davantage.
Farid Macahu, de son vrai nom Farid Guidir, fait partie de ces jeunes, de cette génération qui, tout en lui gardant son âme, ont insufflé à la chanson kabyle un petit quelque chose à même de la faire voyager à travers mers et contrées. C’est ce que, entre autres déclinaisons, laisse entendre la subtilité d’ANIR, l’une des huit chansons composant le nouvel album en chantier de Farid Macahu : Ttxil-k ay azerzuṛ aḥruṛ, zger timura d lebḥur… (Je te prie, libre étourneau, envole contrées et mers…). Porté par des instruments acoustiques et une mélodie captivante, Anir force l’écoute, dès les trois premiers vers :
Turet tefka-d abeḥri
Taɣect yefka-yas ssut
Allaɣ yebra-d i tikti (…).
Traduction approximative :
La poitrine exhale son souffle d’âme
À la voix lègue ses vibrations
L’esprit libère ses pensées
Il en est de même pour l’ensemble de l’album à venir. On y retrouve beaucoup de sensibilité. Comment pouvait-il en être autrement quand l’on sait que Farid Macahu est en relation quasi permanente avec les malades, à l’hôpital où il exerce. Cette relation est sûrement un appoint non négligeable à sa facette d’artiste. Mais le gros de ce qui fait son « identité artistique » est sans aucun doute redevable à son humus, le village Ait Aissa Ouyahia où dès l’âge de 7 ans il a intégré la chorale. Le choriste qu’il était n’a cessé de mettre sa voix au service du beau, au service de l’art bio.
Tahar Ould Amar