Ces derniers temps, on lit par-ci par-là des textes et des commentaires qui semblent porter un regard négatif sur la littérature kabyle. J’écris bien « négatif » et non « critique » car la critique relève d’une relation entretenue entre le lecteur/observateur, peu importe la nature de sa lecture/observation, et le texte lu ou la réalité observée ; elle est surtout construite à partir d’une posture supposée être elle-même discutable (sujette à la critique). Par contre la négativité, elle, participe du principe de rejet structurant de l’opinion exprimée et énoncée à partir d’une position qui se donne le droit de porter un jugement sans observer justement cette relation critique mais qui veut, bizarrement, s’affirmer, par la simple déclaration, comme un acte critique.

Les thèmes de ces textes et de ces commentaires sont variés et peuvent concerner plusieurs facettes de la littérature kabyle. Les plus récurrents sont les salons de livres, les ventes dédicaces et les prix littéraires. Ces réactions négatives sont plus rares, plus nuancées, voire furtives concernant les textes littéraires eux-mêmes.
Les raisons qui expliquent cette différence semblent résider dans le fait que les premiers thèmes relèvent de l’institutionnel alors que le dernier thème (le texte et son auteur), lui, est de nature plus personnelle. Il est plus facile de remettre en question l’aspect institutionnel et de l’attaquer même frontalement car l’élément faisant l’objet d’attaque est une instance impersonnelle et n’entre nullement dans un rapport de conflictualité.
Un bon observateur des événements cités plus haut ne manquera pas de constater que ces négateurs évitent quasi généralement d’impliquer les personnes porteuses de ces institutions et se contentent d’attaquer, de remettre en question, voire de délégitimer ces dernières sans aucune analyse ni situationnelle, ni historique, encore moins systémique.
À l’opposé, l’auteur peut réagir et répondre aux attaques soit pour défendre sa cause soit, tout simplement, apporter quelques éléments pour clarifier sa position.
Il se trouve que ces événements sont des lieux et des mécanismes de visibilité. Leur structuration et leur fonctionnement peuvent être lacunaires mais cela ne justifierait pas les insinuations, les souhaits, voire les demandes, remettant en question la fiabilité et l’existence même de tels événements.
Par ailleurs, juger ces événements par comparaison à ce qui se fait sous d’autres cieux plus cléments c’est commettre l’impair d’aligner deux situations historiques, au minimum différentes, sur un unique principe de regard. Ne dit-on pas : comparaison n’est pas raison.
Ne faudrait-il pas rappeler que chaque situation institutionnelle est la résultante d’un processus sociohistorique ? Aussi, ne serait-il pas opportun, voire correct, de soumettre tout d’abord sa propre opinion à l’épreuve de la réalité (jugée) avant même d’émettre un jugement ?
Discutons sereinement de cela et soyons cohérents et conséquents avec nos propres démarches.

Mohand Akli Salhi