Une Voix perce et berce la nuit conviviale du SLAO prolongé à  At Aggad.  La Voix semble venir  des tréfonds   de Tamazgha.  On croit entendre Aissa Djarmouni  le chaoui, Tanga le chenoui, les complaintes des meules de Taous Amrouches, un acewwiq grandeur Djudjura…  

A la voix et à «  awah, awah, nukni d imaziɣen », le public répond par des youyous généreux.

Le lendemain, nous rencontrons la Voix à Wasif dans une petite salle de la maison de jeunes. Le jeune  Billal Annou, car c’est la voix dont il s’agit, ne cachait pas son plaisir d’échanger avec Tangalt. L’artiste est venu de Tipaza. Mais il  nous rappellera, non son fierté, que Icenwiyen ne se limitent pas à la seule région de Tipaza : « tacenwit tella di Tipaza, Bousmail, Birar, Beni Hewa, Ain Defla, Chlef, Blida… ».

Enfant, Billal a baigné dans un environnement familial favorable à l’épanouissement artistique : «Imawlan-iw d ifennanen. Deg wexxam, xeddmen isefra, xedmen lehwawat, ḍefren icennayen, ladɣa leqbayel (nous avons des artistes dans la famille. Ils composent des poèmes et s’exercent à lehwawat. Nous écoutons les chanteurs, notamment kabyles). C’est donc tout naturellement que Billal se retrouvera plus tard sur scène et,  qui plus est, puisant dans le patrimoine amaziɣ. Il se reconnait dans le Adaynan déterré par son ainé Tanga. Billal regrette que des artistes de sa région « rewlen cnan berra (ils ont chanté ailleurs) ». pour lui, charité bien ordonnée commence par soi-même : « Cnu di tmurt-inek, sakin ruḥ (chante d’abord chez-toi ) ».  Il nous explique que c’est parce que la chanson participe d’une manière extraordinaire à la prise de conscience identitaire, il est capital « d’activer »  dans sa région. Plus explicite, il ajoute : « ma yella ur teḥmileḍ ara yemma-k, anwa ara tt-iḥemlen (si toi tu n’aimes pas ta mère, qui va l’aimer) ? ».

Cependant, il constate avec bonheur que les choses changent dans sa région : « on écoute de plus en plus et sans complexe la chanson chenouie dans les bus et dans les cafés ». Il formule aussi un souhait : « ça nous aiderait énormément si des artistes de la trompe d’Ait Menguellet viennent chanter chez nous . Awal-nneɣ d yiwen. Neḥwaj ad d-nesaki tameslayt-nneɣ, ad taweḍ timura n berra (nous menons le même combat : retrouver notre langue et l’exporter».  Pour y parvenir, Billal fait ce qu’il peut : chanter dans sa belle langue et sur fond de belle mélodies.

Billal n’est pas dans l’esprit variantes. Pour lui tamazight est une : « ur sineɣc tacenwit neɣ taqbaylit.  Amer Azɣ akked Yidir kifkif. Ḥemmleɣ iman-iw, ḥemmleɣ tamaziɣt, tazemmurt akked  lebḥer. (Je ne fais pas de différence entre tacenwit ou taqbaylit, entre Amer Azɣa et Idir. Je m’aime, j’aime tamazight, l’olivier et la mer ) ». A propos de Yidir qu’il affectionne tout particulièrement, Billal dit : « je l’ai rencontré lors du festival de la chanson amazighe. Mon travail lui plaisait. Il voulait l’aider. Malheureusement la mort nous l’a ravi » . Avons de nous quitter, le jeune artiste nous dira à propos du SLAO : « ça fait plaisir ad yili di Tipaza (ça serait bien qu’on l’organise à Tipaza) »

Yemlal-it  Tahar Ould Amar