Le bonhomme dépasse légèrement la cinquantaine que son sourire et sa moue interloqués devant une interpellation rabaissent de vingt ans. Du kabyle, la langue, il ne maitrise que les mots : azul et tanemmirt.
Avec ses parents qui ont quitté leur pays d’origine la Syrie en 1974 pour l’Algérie, Firas ce n’est qu’en 1996 qu’il devient Algérien de nationalité, même si son pays d’adoption était dans son cœur depuis toujours.
Informaticien de formation, son amour pour le livre et la lecture décomplexée lui fera prendre un autre chemin : celui de l’édition. Firas Aldjahmani, car c’est de lui qu’il s’agit, lance Aṭfalouna, en 2006, maison d’éditions valorisant le livre pour enfant.
Pourquoi donc Aṭfalouna (Nos enfants) ? Tout simplement, Firas Aldjahmani nous dira, que « chaque enfant dans le monde a besoin d’écouter une histoire avant de s’endormir et voyager dans un monde produit par son imagination et où il est un héros. C’est parce que nous croyons en la création des enfants, nous nous sommes jurés de nous améliorer tout le temps et partout, de nous embarquer dans un bateau chargé d’histoires et de sillonner les ports pour y déposer les plus belles d’entre elles ». Ainsi l’amour du livre et la sensibilité de l’éditeur transparaissent dans sa réponse.
Dès le départ, Aṭfalouna s’est ouverte à toutes les langues et tous les âges. C’est en 2000 qu’il édite le premier livre en kabyle: Ḥemleɣ-kem a tutlayt-iw de Bouzid Radia.
En 2016, et pour s’ouvrir à un autre profil de lecteurs/lectrices et d’auteur(e)s, Firas Aldjahmani opéra une extension pour donner naissance aux éditions Imtidad. Ces dernières se sont particulièrement distinguées par l’importance donnée au livre d’expression amazighe. Deux fois de suite, Imtidat décroche le premier Prix Assia Djebbar : Nna ɣni de Laceb Djamal, en 2019, Tiṭ d yilleḍ, ayen d-qqarent tewriqin de Mohand Akli Salhi en 2022. Prix Taous Amrouche pour Ales-iyi-d Yennayer de Hamid Bilek.
Imtidat et Aṭfalouna ne ratent aucun rendez-vous livresque, aussi bien nationaux qu’internationaux. Et là où ils arriment, ils y déposent ungal, tamedyazt, tamacahut…
L’apport de Firas ne se limite pas seulement à éditer, diffuser et médiatiser le livre d’expression amazighe mais aussi impliqué d’une manière effective dans l’organisation du Salon du livre amazigh de Ouacif.
Comme première dans l’univers de l’éditon, Imtidad compte marquer de son empreinte la journée des langues maternelles en honorant les auteurs écrivant en tamazight.
La rencontre est prévue pour le 25 février prochain, au niveau de la Maison de la culture de Tizi Ouzou, une région qui a adopté Firas et aimé sans chichi.
Cet amour pour la Kabylie, la sienne aussi, le lui rend bien avec douceur de sorte à l’apaiser de sa douleur refoulée pour son autre pays, cette Syrie meurtrie.
Tahar Ould Amar