Petit par son nombre de pages, grand par la diversité stylistique qu’il présente aux lecteurs. D’expression simple, simplicité qui rappelle la modestie de son auteur. De structure complexe entremêlant histoires particulières de personnes avec la destinée d’un pays et établissant des échos entre un passé installé dans le souvenir et la nostalgie et un présent incertain mais interrogeant les événements qui ont conduit à la déchéance (personnelle, collective, identitaire, patriotique ou autre).

C’est en ces termes que je souhaite parler du second roman de Taher Ould Amer, intitulé, fort probablement allégoriquement, Murḍus. Les impressions provoquées en moi durant sa lecture m’invitent (j’ai envie de dire m’imposent), en tant que lecteur, à parler de ce texte, non pas pour en rendre uniquement compte mais pour dire toute la complexité que contient ce texte d’apparence simple. Ma lecture peut également signifier certains points souvent entourés d’ambigüité dans notre littérature, notamment dans la réception du roman.

Faut-il rappeler, pour commencer (et peut-être provoquer le débat) que le romanesque n’est dans le volume. Ce dernier, il faut bien le rappeler, est la traduction matérielle de l’épaisseur narrative de l’histoire/des histoires racontée(s). Quand l’auteur, et c’est le cas de ce texte, sait exprimer simplement la complexité du monde, il peut produire un roman dont le volume, même petit, porte le romanesque. Et pour cause. La centaine de pages, à peine dépassée, renferme un monde narré, non pas en termes d’épisode, mais d’une manière signifiant la complétude de l’univers mis en narration.

Les onze chapitres composant le texte Murḍus de Taher Ould Amer portent la narration de cet univers d’une manière remarquable tout en s’appuyant sur une diversité stylistique qui garantit justement au texte un romanesque construit dans une fresque ou un panorama proposant une radioscopie d’une Algérie en déchirure où l’identité, la mémoire, la tolérance, la cohésion sociohistorique sont mise entre parenthèses fermées par la force. La destinée nationale racontée est rappelée par des vies autrefois en harmonie avec leur environnement. L’Histoire est une accumulation. L’Identité aussi. Les traits sociologiques des personnages comme Ḥmimi, Levy et Batiste signifient cette harmonie. La cassure de cette dernière donne origine à une errance et, conséquemment à cette bêtise humaine, des plumes tentent d’en faire état et d’apporter une explication à ce fait/état avec le romanesque. Taher Ould Amer en fait partie. L’une des marques de cette errance est cette narration, superbement assurée par la voix d’un expatrié fuyant l’horreur et l’incertitude, à partir d’un lieu d’énonciation de l’exil, racontant des vies déroulées dans une terre devenue lointaine, objet de nostalgie et offerte à l’incertitude.

La diversité stylistique dont je parle plus haut se concrétise, dans un côté, dans la cohabitation de deux univers romanesque. Celui de Bururu (premier roman de l’auteur) et celui de Murḍus. Fait original, Muḥ, personnage principal dans Bururu, et Dalila, autre personnage du même texte, connaissent reprise et développement. D’abord par la technique de la condensation puis par le procédé appelé suite. Cette dernière technique donne à la vie de ces personnages une prolongation. Par ailleurs, la narration rétrospective des vies de Bernadette, de Ḥmimi, de Levy, de Batiste et de Mia donne, de l’autre côté, aux événements racontés une force qui justifie la posture sympathique de ces personnages, d’autant plus qu’ils sont mis en relation avec des personnages historiques (par le truchement des référents interprétables au plan historique et politique).

En somme, et c’est là une autre prouesse, la gravité de la situation est rendue d’une manière humoristique, satirique et par moments avec dérision. Le tout avec une composition en puzzle et une expression simple. Ce type d’écriture a l’avantage de stimuler le lecteur à écrire. Tant mieux. Mais le simple n’est réduction, ni raccourcis, ni encore et surtout pas banalité. Le simple n’est facile.

Mohand Akli Salhi