Cinq personnages peuplent cet espace textuel nommé La fête de l’insignifiance. Personnages ordinaires qui, dans leurs vies respectives sont plutôt dans l’effacement du quotidien tellement leur condition représente la vie de personnes simples. Charles, Alain, Ramon, Caliban et D’Ardelo sont les personnages de ce petit roman (par son volume mais grand par sa philosophie).

De ces derniers, Kundera fait des personnages construits avec finesse à telle enseigne qu’ils exemplifient, sous sa plume, l’insignifiance de la condition humaine dans la vie moderne. Tous principaux. Et, à ce niveau, il faut le dire expressément  que c’est là où réside entre autres l’une des prouesses de ce texte ; leur interaction tisse la nudité du sens de l’existence de l’Homme à l’époque moderne. À chacun sa trajectoire, ses questionnements, ses obsessions, ses fantasmes et ses craintes, les personnages se ressemblent dans leur capacité à traduire par le simple déroulement de leur vie toute l’insignifiance de leur existence.

Structuré en sept parties, toutes petites et segmentées en moments narratifs. Dans ce roman, Kundera pose, d’un côté, des questions tellement sérieuses dans la vie de l’Homme et, de l’autre, il les traite d’une manière parfois humoristique voire burlesque, parfois d’une manière satirique. Dans ce mouvement narratif global, Kundera profite de certaines situations pour rappeler ses critiques des leaders communistes, notamment de Staline (figure qui obnubile l’un des personnages : Charles).

Au fil des segments narratifs propres à chaque partie, se révèle au lecteur la relation des personnages entre eux et entre chacun d’eux avec ce qui fait de lui une sensibilité et un caractère à la fois sérieuse et comique. Cette relation complexe sert comme une toile de fond pour l’engendrement de l’insignifiance comme caractère essentiel de la condition humaine.   C’est dans cette contiguïté entre le sérieux et le comique que résident profondeur et esthétique de ce texte.  En effet, tout en étant très proche de ses personnages, le narrateur insiste à maintes reprises sur la nécessité de rappeler que l’insignifiance est l’essence de l’existence. La dernière réclame (en page 123) se veut comme une sorte de somme du sens de la vie moderne, notamment occidentale. Sur un ton solennel, le narrateur déclare que l’insignifiance « est avec nous partout et toujours.  Elle est présente même là où personne ne veut la voir : dans les horreurs, dans les luttes sanglantes, dans les pire malheurs. Cela exige souvent du courage pour la reconnaitre dans des conditions aussi dramatiques et pour l’appeler par son nom. Mais il ne s’agit pas seulement de la reconnaître, il faut l’aimer, l’insignifiance, il faut apprendre à l’aimer. »

Est-il vraiment nécessaire de recommander la lecture de ce roman. Le nom de l’auteur suffit. Certes. Sans aucune autre justification. Si je le fais c’est juste pour partager mon admiration de ce grand roman, même si son volume est si petit (une autre grandeur de ce texte : le roman n’est nécessairement volume).

 

Mohand Akli Salhi