Ddurt-a rziɣ ɣur umkan-nni n wis d acu-t. Acḥal aya ur d-ruḥeɣ ad mlileɣ yiwen seg widak-nni nḥemmel. D lewhayem, tikkelt-a d Kamel Daoud i mlaleɣ.

D kečč aya, d Kamel Daoud ? Azul !
Vous dites quoi ?
Vous ne comprenez pas le kabyle ?
Pas un traître mot !
Même pas le « azul » officiel ? Bizarre. Pourtant, ici, dans cette contrée « n wis d acu-tt », aucun complexe linguistique, on parle toutes les langues. Pas grave. Contente de vous rencontrer quand même. Je peux vous poser quelques questions ?
Oui, allez-y, je sais me défendre.
Vous défendre ? Je ne vais pas vous attaquer. Pourquoi êtes-vous sur la défensive ?
On m’a tellement attaqué…
Sachez que je vous trouve brillant et qu’il m’arrive d’être fière de vous. Il m’arrivait à la lecture de vos textes de me dire : « ce mec est un Algérien sur qui le progrès, les libertés et la démocratie peuvent compter »
Ça me va droit au cœur.
Ne me remerciez pas tout de suite, vous allez peut-être changer d’avis.
Et pourquoi donc ?
Parce que je vous ai trouvé nase, le jour où vous aviez qualifié la Kabylie de « ghetto sublimé », la militance de « militantisme haineux » et d’autres qualificatifs qui vous ont disqualifié à mes yeux. Ce jour-là j’avais hurlé : « quel diptère a piqué Daoud ? ». Mais bon, mettons ça sur le compte d’un moment d’infortune littéraire.
Oh là là, vous les Kabyles ne lâchez rien ! Vous n’êtes pas loin de hurler avec les meutes des deux castes : au traître !
Pas du tout. Comme vous, nous combattons ces deux castes que vous aviez mises à nu dans une de vos succulentes chroniques : « aujourd’hui en Algérie, deux castes parlent arabe, langue morte aux Algériens, peuple vivant : les élites politiques et les élites religieuses. Les deux puisant dans la sacralité, l’argument de leur légitimité. Comme les prêtres et les rois du Moyen-Âge de l’Occident. Du coup, ceux qui s’élèvent contre eux, s’élèvent contre les martyrs et contre Dieu. Ceux qui disent que l’arabe est une langue morte menacent la domination de la caste et ses intérêts… »
Oui, j’écris ça. Et ça n’a pas été entendu.
À la TV, je ne sais plus laquelle, le journaliste vous avait posé la question « pourquoi avez-vous quitté l’Algérie ? ». Vous aviez répondu avec le sens de la formule qui vous caractérise que vous n’y respiriez plus.
Oui, en gros c’est ça.
Donc, vous ressentiez le même étouffement que celui ressenti par le harraga lambda. Sauf que vous, vous l’expliquez avec des mots intelligents.
… oui.
Vous êtes donc un harraga.
Holà, doucement !
Vous aviez aussi dit que vous étiez « Algérien, Français et écrivain… trois métiers difficiles ». Je vous avoue que je n’avais pas compris grand-chose.
C’est facile à comprendre, pour un Algérien.
Je suis Algérienne, ce n’est pas un métier mais c’est du boulot.

Tahar Ould Amar